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bien accueillis ; mais on nous dira, sur un ton un peu hautain peut-être, qu’il faut abandonner toutes ces hautes spéculations de la métaphysique transcendante dont s’est nourrie jusqu’ici l’esthétique allemande sur le comique comme sur le reste, et qu’il faut simplement se remettre à l’étude des faits, prendre les choses par en bas, non par haut, laisser pour le moment les côtés obscurs et difficiles du problème pour s’attacher à ce qui est sensible et palpable, les sensations, les émotions, les perceptions, les mouvements organiques, objet vraiment scientifique de la psychologie unie à la physiologie.

Nous ne discutons pas la valeur de ces assertions. Mais si, en gardant nos convictions, nous demandons à l’esthétique positiviste ce qu’elle peut nous offrir dans l’ordre de recherches où elle se renferme, elle aussi obligée de s’occuper de la question qui en ce moment nous intéresse, il faut avouer que jusqu’ici elle ne lui a pas donné une bien grande place dans ses travaux.

L’Esthétique de Th. Fechner (Vorschule der Æsthetik), qui la représente, la traite d’une manière très peu philosophique et je dirai même très peu scientifique. Tous ses articles, sur le rire et le comique, l’esprit de saillie, les jeux de mots, les comparaisons, etc., etc. s’adressent plutôt aux gens du monde et aux lettrés qu’aux philosophes et aux savants. Le fond de la théorie n’a rien d’original et de neuf. Dans le chapitre intitulé Du risible, vous trouvez ce principe ainsi énoncé : « À mon avis, dans le domaine que nous avons sous les yeux, le principe de la combinaison qui réunit les termes différents joue le principal rôle. Le plaisir, d’où vient-il ? De ce que nous voyons en un clin d’œil et simultanément des rapports semblables entre des choses différentes » (Ibid.) C’est la théorie du contraste dans sa simplicité. « La chose nous réjouit d’autant plus que nous saisissons plus facilement l’unité sous cette diversité et des contradictions plus frappantes. »

En tout cela, rien qui s’ajoute à tout ce que nous savons de cette face du comique. Tout s’explique ensuite par des combinaisons de rapports surprenants, ce qui nous ramène à Kant et à ses prédécesseurs. L’effet esthétique est produit par le choc des idées, etc.

Cette esthétique, on le voit, est fort peu avancée, et nous devons peu lui demander. Elle peut, dans ses investigations scientifiques, nous éclairer sur des points jusqu’ici peut-être trop négligés. Mais ses recherches, qui ne se sont guère portées de ce côté, n’ont presque rien, que nous sachions, à nous apprendre.

En Allemagne, nous trouverions chez Lazarus des analyses psychologiques, qui ne manquent pas d’intérêt ; en France, on doit à M. Léon