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BÉNARD. — la théorie du comique

ses propres opérations lui échappent. La réflexion qui vient après a peine à les démêler. Il y avait là le sujet d’une étude intéressante et qui aurait fourni à ce philosophe des explications profondes et originales.

C’est chez d’autres disciples, Bahnsen surtout, qu’il faut chercher ici l’application rigoureuse de la doctrine du maître. La théorie du tragique et de l’humour comme loi du monde (das Tragische als Weltgesetz, etc.), a été exposée dans cette Revue. Nous y renvoyons.

C’est le corollaire du pessimisme dans l’art, déduit avec une inflexible rigueur. Le ton, à la vérité, plutôt dithyrambique que philosophique, ôte à la pensée de l’auteur une grande partie de sa valeur. Les esprits calmes et sérieux sont peu disposés à prendre au sérieux ce qui est dit en pareil style ; il faut laisser à la poésie, avec cet enthousiasme, ce langage inspiré, chargé d’images et de métaphores. « Le tragique est la loi du monde ; l’humour est la forme esthétique de la pensée métaphysique. Et l’humour, selon l’expression de Bahsen, élève le tragique à l’inconciliabilité. Il est pour l’élite des esprits la victoire de la contradiction dans son sens le plus élévé. Il redevient le point culminant de l’art ; il crée une sorte de relâchement, de relaxation, etc. Le comique se mêle ainsi au tragique. Le plaisir du tragique sert à quelque chose de commun ; l’humour mêlé au tragique le relève, etc. »

L’école de l’ironie dans l’art nous a habitués à ces exagérations. Au moins sa doctrine se relie à un système véritable et homogène. Nous nous en tenons donc au jugement général porté sur cette école en ce qui concerne la théorie dont nous retraçons l’histoire,


IX

Devons-nous maintenant nous adresser aux écoles positivistes plus récentes où contemporaines ? Elles aussi ont-elles quelque chose à nous donner dont puisse s’augmenter la somme d’acquisitions recueillées jusqu’ici dans les autres écoles ? Peut-être avons-nous quelque chance d’y voir grossir notre trésor.

Ce qui est certain, c’est que le problème, dont nous suivons la marche dans la philosophie allemande, a un côté positif très réel, à la fois psychologique et physiologique. Il y a là des faits à observer, des lois à dégager, des inductions à en tirer, et nous sommes loin de dédaigner ce que cette méthode empirique nous a permis de ramasser sur le chemin parcouru dans cette pérégrination historique. Si donc nous venons frapper à la porte de ces écoles, nous y serons