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BÉNARD. — la théorie du comique

dants, bien qu’ils philosophent plus ou moins dans le sens et selon la méthode de tel ou tel système. Parmi les herbartistes indépendants il faudrait placer ici Zeising, auquel un traité des Proportions de la forme humaine er ses Recherches esthétiques assignent un rang distingué parmi les esthéticiens allemands.

Malgré sa critique fort vive de l’idéalisme, cet auteur ne peut renier sa parenté et ses attaches avec l’école qu’il blâme et condamne. Lui-même par sa méthode rappelle la dialestique hégécienne ; le fond de sa pensée sur le point particulier qui nous occupe ne diffère pas en somme de la pensée contenue dans toutes les formules idéalistes qui servent à définir le comique. Nous ne voulons pas contester les mérites de l’ouvrage de Zeising. Il n’est guère connu chez nous que par sa définition du comique, qui à égayé la critique et a été donnée comme modèle du style amphigourique assez peu rare, en effet, chez les esthéticiens des écoles allemandes.

Cette définition pourtant, si l’on en extrait la pensée, est moins étrange et moins neuve qu’elle ne semble. C’est toujours le beau sous la forme d’une antithèse, la manifestation de l’idée (scheintiche Erscheinung). Les trois moments du processus comique nous remettent en pleine dialectique : 1o point de départ, 2o moment de transition, 3o terme final ou point d’arrivée. Contradiction, résistance, trouble et combat, choc d’idées, contre-choc, etc. — Ceci est plutôt herbartiste. — Contradiction de la contradiction, etc. Quant à la définition : « Le monde est le rire de Dieu, et le rire est le monde de celui qui rit, etc. » on a eu raison de rire de cet amphigouri. Pour nous, Leising est un de ces auteurs qui, n’étant pas sans valeur et pouvant dire beaucoup de choses intéressantes dans les détails, mais n’ayant sur le fond rien d’original et de neuf à nous apprendre, oublient trop que la clarté est la probité du langage ; ils croient éblouir leurs lecteurs et leur faire prendre le change par l’étrangeté de leurs formules, défaut pour lequel ses compatriotes ont toujours été très indulgents.

En somme, l’école de Herbart ne nous paraît pas avoir cultivé cette portion du champ de l’esthétique allemande de manière à lui faire produire des fruits bien nouveaux et abondants. Nous avons dit nos raisons de ce peu de fertilité.


VIIl

L’autre forme du réalisme semble nous promettre davantage. D’abord le chef de cette école, Schopenhauer, est lui-même un pen-