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Zimmermann et de Zeising, nous y trouverons nos prévisions pleinement justifiées.

D’abord il est à remarquer que Herbart est fort laconique sur ce sujet ; il en dit à peine quelques mots. Les disciples seuls s’en occupent et sont forcés de s’en occuper. Griepenkerl est très peu original et très superficiel. Il emprunte un peu partout à ses devanciers, à Kant en particulier. Le comique pour lui, c’est « l’absurdité allant jusqu’à l’extraordinaire, le déraisonnable qui ne blesse pas les hauts intérêts de la moralité, etc. » (Æsthetik.) Nous trouverions bien quelques remarques judicieuses, des observations non dénuées d’intérêt, mais sans aucune valeur théorique.

Sans dédaigner les autres esthéticiens, tels que Bobrik, chez lesquels on trouve aussi beaucoup de fines analyses et de faits bien décrits, propres à enrichir la psychologie esthétique, nous devons nous arrêter à celui qui est le véritable représentant de l’esthétique herbartiste, R. Zimmermann, l’auteur de l’Histoire de l’Esthétique et de l’Esthétique comme science formelle.

Nous n’avons pas à juger ce dernier ouvrage dans son ensemble. Nous disons seulement que, dans la partie consacrée au comique, l’auteur traite la question d’une façon très superficielle. Le côté métaphysique est à peine touché ; c’est toujours le contraste qui fait tous les frais et fournit a définition. La partie psychologique est plus sérieuse, mais n’amène rien de neuf. Ce qui est nouveau, c’est le côté social. Le beau éveille un sentiment social ; il est une forme de ce sentiment, il est le bel esprit social (der sociale schöne Geist).

C’est une face nouvelle ; elle méritait en effet d’être envisagée et à son tour étudiée. Mais on voit combien le point de vue est étroit, exclusif et secondaire. Au beau ainsi considéré se rattachent l’esprit de saillie (Witz), le comique, la plaisanterie et l’humour avec leurs formes et leurs nuances diverses. On s’attendrait au moins à des descriptions et à des analyses nouvelles. Mais partout règne une grande sécheresse. Il y a beaucoup de formules et peu d’exemples, des remarques et des distinctions fines, mais subtiles. L’auteur débute par l’ironie. Comment la comprend-il ? Rien de plus embarrassé, de plus obscur que sa pensée. Le comique est aussi l’absurde non nuisible. On reconnaît Aristote et Kant auquel s’ajoute Jean Paul. Sauf ce qui est dit du sentiment social, on chercherait vainement quelque chose de neuf et d’original sur le comique dans l’esthétique formelle.

Pour rencontrer une œuvre vraiment remarquable, conçue plus ou moins dans l’esprit de cette école, il faudrait s’adresser à cette classe d’écrivains qui ne se laissent pas enrôler, qui n’appartiennent, selon eux, à aucune secte philosophique et se proclament indépen-