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BÉNARD. — la théorie du comique

problème chez les esthéticiens appartenant aux écoles réalistes. Celles-ci ont dû s’occuper aussi de cette question du comique et lui consacrer une place plus ou moins importante dans leurs écrits.

Le réalisme, on le sait, nous offre ici deux branches principales qui toutes deux se rattachent au tronc commun du kantisme : l’une est le réalisme de Herbart et de ses disciples ; l’autre est celui de Schopenhauer et de ses successeurs ou de ses adhérents.

Devons-nous espérer une riche moisson à recueillir dans ces deux écoles ? Si l’on fait attention à la nature du problème, il faut le dire, on ne doit pas s’attendre à le voir ici traité avec une bien grande originalité ni surtout avec beaucoup de profondeur au moins dans sa partie métaphysique. Les autres côtés, le côté formel, le côté psychologique et physiologique seuls, pourront fournir matière à des résultats intéressants et utiles.

Le comique, il ne faut pas l’oublier, est, de sa nature, essentiellement symbolique. Ce qui est risible, ridicule ou comique, ce qui en un mot excite en nous le rire, c’est quelque chose d’invisible, je ne dis pas de transcendant ; c’est un fait d’ordre essentiellement intellectuel ou moral, qui se traduit au dehors par des formes, des actes, etc., qui l’expriment ou le manifestent. Comment une école qui, comme celle de Herbart, prétend que toutes les formes du réel sont inexpressives, qui soutient que le beau néanmoins réside uniquement dans ces formes ou les rapports de ces formes, et qui fait la guerre à la théorie contraire et idéaliste de l’expression, comment peut-elle arriver à nous expliquer ce fait singulier, qu’on nomme le comique ? Selon nous, elle doit fatalement y échouer. Aussi elle l’évitera ou lui fera peu de place dans son esthétique. Obligée de s’en occuper, elle sera condamnée à répéter ce qui a été cent fois dit avant elle du contraste, de la contradiction sentie ou de l’attente réduite à rien. Si elle veut être originale, elle devra l’envisager par quelques côtés nouveaux peut-être trop oubliés, comme le côté social par exemple, le comique et le ridicule jouant en effet un grand rôle dans la sociabilité humaine. Quant à cet ordre particulier de jouissances ou de plaisirs que fait naître en nous la vue du comique ou du risible sous toutes ses formes, chaque école a bien le droit de les décrire et jouter aux analyses qui en ont été faites ; mais, si elle est incapable de les expliquer, tout le mérite de sagacité déployé dans ces recherches ne peut donner une autre valeur que celle d’être purement empirique.

Poursuivant notre enquête, si nous venons à parcourir les écrits, peu nombreux du reste, que nous offre l’esthétique herbartiste et dont les principaux sont ceux de Griepenkerl, de Bobrik, de Robert