Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
revue philosophique

avec un grand succès, quand elle veut représenter les travers et les ridicules de l’espèce humaine. Vischer a là-dessus des remarques intéressantes. On en citerait bien d’autres. Nous ne notons celle-ci que pour montrer que rien n’a été oublié dans cette théorie.

La troisième partie a aussi pour nous un mérite particulier ; c’est que le comique, dans chacun des arts où il apparaît, sculpture, peinture, musique et poésie, y est étudié dans ses conditions et ses règles spéciales, ce qui, que nous sachions, n’avait été fait sérieusement par aucun des esthéticiens des autres écoles. Enfin la théorie de la comédie opposée à la tragédie, sans offrir rien de bien nouveau, complète et couronne avec distinction ce grand ouvrage, le vrai monument de l’esthétique hégélienne.

Un examen des autres écrits nombreux dus à la même école sur le beau et la philosophie de l’art justifierait parfaitement nos prévisions au sujet du comique, bien qu’il reste beaucoup à faire et qu’aucun de ces travaux n’échappe à la critique qui en a mis à nu les défauts.


VII

De ces défauts, le principal, c’est de ne pas attacher assez d’importance au côté réel, extérieur ou de la forme dans les questions d’art et du beau en général ; c’est de vouloir tout expliquer par des formules métaphysiques souvent vides, obscures, quelquefois inintelligibles. Or ce côté, avant tout, doit être observé, analysé, décrit, constaté à l’aide de l’expérience, induit des faits eux-mêmes et non construit à priori par un procédé rationnel qui laisse le champ libre à l’arbitraire des combinaisons systématiques. Ce qui a été reproché à l’idéalisme en général l’a été à son esthétique comme à toutes les parties de la philosophie idéaliste. La théorie du comique, si peu claire, exposée dans un langage souvent si étrange, dans sa partie métaphysique, était peu faite pour échapper aux objections. L’esthétique réaliste ne devait pas les lui épargner. Elle-même, moins ambitieuse, mais plus positive, devait ramener l’attention sur les côtés négligés ou trop dédaignés, en faire l’objet de nouvelles recherches. Peut-être qu’à son tour, dans son exclusivité, elle les exagère, et que, s’y concentrant uniquement, elle se condamne à ne pas aller plus loin. Mais c’est ce qui arrive toujours quand une direction nouvelle succède à une autre et réagit contre elle. C’est le cas ici du réalisme opposé à l’idéalisme.

Nous aurions donc à examiner ce qu’est devenu et devient notre