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(Erhabenheit). Cet effort produit le trouble, l’agitation (Unrühe). Du sublime elle tombe. Cette chute est la laideur. Mais elle se relève et se retrouve dans le comique. Celui-ci est une renaissance (Wiedergeburt). Et de fait, c’est la deuxième phase de l’idée, qui se cherche et après s’être perdue se retrouve. Le regard lumineux de l’esprit brille de nouveau à travers les ténèbres et perce cette obscurité. Comme dans toute nouvelle création, jaillit l’’étincelle divine. Cette subite apparition, c’est le comique. — Le schéma est celui-ci : A. le sublime : élévation de l’idée, B : chute de l’idée ; obscurcissement C. résérénation, renaissance (Erheiterung).

Ruge fait une critique de Weisse, qui, selon lui, a mal établi son processus. La grande affaire des hégéliens, on le voit, c’est d’assigner la place des idées.

Forcé de passer sous silence une foule d’écrits où la théorie du comique est exposée selon l’esprit de cette école, nous devons nous arrêter à l’ouvrage capital qui, à lui seul, représente et résume toute l’esthétique hégélienne, l’Esthétique de Th. Vischer. Là, comme on sait, figurent, enrichis d’aperçus nouveaux, d’analyses précieuses, de critiques judicieuses, comme dans une vaste encyclopédie, tous les travaux des écoles antérieures, coordonnés selon la méthode dialectique en un vaste système. Toutes les parties de la science du beau et de la philosophie de l’art y sont traitées en détail, avec l’étendue et les développements qu’elles comportent. C’est là aussi qu’il faut chercher, sinon le dernier mot, la théorie la plus large et la plus complète que possède l’esthétique allemande sur le comique considéré en lui-même et dans ses applications.

Quand on parcourt les différentes parties de cette vaste composition, on est frappé moins de la nouveauté des idées de l’auteur que de la place que ce sujet, l’étude du comique, occupe dans chacune des trois divisions de ce traité ; la métaphysique du beau, le beau dans la nature et dans l’imagination, le beau dans l’art et les différents arts.

Jusque-là, aucun métaphysicien ou esthéticien n’avait donné au comique une telle importance. Selon la méthode hégélienne, suivie par ses deux devanciers, Weisse et Ruge, Vischer s’attache d’abord à marquer la place du comique dans la processus dialectique de l’idée du beau. Il étudie le beau en lui-même dans son unité ou sa simplicité, puis le beau dans l’opposition de ses éléments, le sublime, et dans le retour à l’unité. Ce retour, c’est aussi le comique qui le représente ; seulement il forme une opposition non avec le laid, mais avec le sublime ; c’est le sublime renversé, comme l’avait dit Jean Paul sans pouvoir s’en rendre compte. Le laid ne figure plus