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BÉNARD. — la théorie du comique

négatif et du positif sont-elles suffisantes ? Encore un point sur lequel la sagacité des penseurs ne peut manquer de s’exercer. On pourrait en signaler d’autres.

Schelling et les esthéticiens de son école oublient de nous dire ce que doit être le comique dans les différents arts, à quelles conditions et à quelles règles il doit être soumis. C’est à peine s’ils en parlent, dans la poésie, à propos de l’opposition du tragique et du comique. Cette opposition à elle seule fait tous les frais de la théorie. N’y a-t-il pas du comique dans les autres arts (l’architecture exceptée), dans la sculpture, la peinture, la musique elle-même ? La caricature ne jouet-elle pas un rôle important dans les arts plastiques et du dessin.

On voit combien il reste à faire pour compléter les théories précédentes, quel vaste champ d’étude s’ouvre aux esthéticiens sur des points qui à peine ont fixé l’attention de leurs devanciers.

Sur tous ces points, l’esthétique hégélienne a rendu des services incontestables ; elle a exécuté des travaux nombreux, remarquables, qu’il serait trop long de citer et d’apprécier. Nous ne pouvons que signaler les principaux.

Il est à remarquer qu’en ce qui concerne la théorie du comique, si l’on veut l’avoir complète et régulière, ce n’est pas aux chefs d’école qu’il faut s’adresser, mais à leurs disciples ou à ceux qui ont entrepris de fonder la science du beau d’après leurs principes. Ainsi, nulle part Hegel ne donne la sienne, du moins entière et directe. Ce n’est qu’accidentellement, épisodiquement qu’il traite ce sujet, en plusieurs endroits de ses écrits : 1o dans sa Phénoménologie de l’esprit ; 2o dans l’Introduction de son Esthétique, à propos de l’ironie dans l’art ; 3o dans la première partie, au sujet de l’originalité de l’artiste ; 4o dans la seconde ; à l’article de l’humour, 5o dans la troisième, quand il expose la théorie de l’art dramatique, à la fin de l’ouvrage, où la comédie est opposée à la tragédie.

Sans doute on trouve, chez lui, partout des aperçus remarquables, des jugements d’une haute portée surtout historique et critique ; mais il serait difficile d’en dégager une vraie théorie.

Dans la Phénoménologie, l’idée du comique est exposée d’une façon si obscure, dans un langage à la fois abstrait et métaphorique, qui laisse si bien à la pensée le danger de n’être pas comprise, que les disciples ou adhérents à la doctrine se bornent à répéter le texte, sans le commenter. La pensée, au fond, est celle de Schelling : c’est la subjectivité infinie, le sentiment de cette liberté infinie du moi qui, en face du spectacle des contradictions de l’existence finie, revient sur elle-même, se sent supérieure et se rit des réalités du monde