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BÉNARD. — la théorie du comique

on n’ait à constater aucun progrès. Le comique participe de l’importance que prennent, dans ce système, toutes les branches de l’art, de la haute position qui est assignée à l’art et à la poésie. L’ébranlement communiqué aux esprits par cette manière nouvelle d’envisager l’art sous toutes ses formes fut immense. L’enthousiasme excité pour l’art et ses œuvres s’étendit à tous les genres d’art et de poésie, à ses espèces, à la comédie, comme à toutes les autres. Le côté historique surtout se trouve ainsi renouvelé ; il acquiert un haut intérêt, qu’il n’avait pas eu jusqu’alors. L’histoire en effet, dans ce système, qu’est elle ? une épopée, l’épopée divine, conçue dans l’esprit divin. C’est aussi le drame de l’humanité qui se joue à travers les siècles. Or l’opposition du tragique et du comique en est la loi comme le retour à l’unité. On conçoit ce qu’une telle vue introduite dans l’histoire de l’art donne d’importance à cette seconde forme de la poésie dramatique elle-même, comme à la première.

L’histoire littéraire prend une face toute nouvelle. La division de l’art antique et de l’art moderne, née elle-même d’une opposition qui doit se concilier, n’est pas moins féconde ; elle amène, par la comparaison, toute une façon nouvelle de juger et d’apprécier les grandes œuvres artistique et littéraires. Dans Schelling, on trouve déjà, avec des exagérations sans doute et des oppositions forcées et subtiles, de grandes vues sur le théâtre ancien et le théâtre moderne, en particulier sur les comédies d’Aristophane et celles de Shakespeare (voy. Œuvres, t. V). L’impulsion donnée se fait sentir surtout dans les travaux particuliers conçus dans l’esprit de cette école et qu’elle a suscités.

VI

Sur les problèmes relatifs à la science du beau comme sur les autres parties de la philosophie, Hegel continue Schelling ; mais, en le continuant, il le dépasse et le corrige. Il fonde lui-même une nouvelle école et un nouveau système où l’esthétique a sa place, et, on ne peut le nier, une place éminente avec des développements considérables.

De quel progrès est susceptible, dans cette philosophie nouvelle, le problème particulier dont nous retraçons l’histoire ? C’est ce qu’il est facile d’augurer : 1o si l’on considère l’esprit et la méthode du nouveau système ; 2o si l’on examine ce qui manque à la question du comique telle qu’elle a été jusqu’ici traitée, les faces qui n’ont pas été ou ont été à peine envisagées et qui doivent fixer l’attention des esthéticiens de cette école nouvelle.