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LA THÉORIE DU COMIQUE

DANS L’ESTHÉTIQUE ALLEMANDE


V

En reprenant le problème du comique au point où nous l’avons laissé dans le développement de l’esthétique allemande[1], nous devons, afin de nous reconnaître, examiner dans quel esprit et sous quelles influences il va, de nouveau, être étudié, par quelles faces il sera principalement envisagé et dans quel sens il devra être résolu.

La philosophie qui dominait alors était celle de Schelling et de son école. Or on sait quelle place l’esthétique (la philosophie de l’art) obtient dans ce nouveau système, qui prend le nom d’idéalisme objectif et transcendantal. En vertu du principe de l’identité absolue, qui lui sert de base, toutes les formes de la pensée et de l’existence sont comprises dans l’unité qui, en se développant, se divise et produit la différence, elle-même ramenée à l’unité. En même temps que ce qui était subjectif devient objectif, ou à la fois objectif et subjectif, tous les termes de l’existence et de la pensée qui jusque-là formaient des oppositions, le relatif et l’absolu, l’identité et la différence, la nécessité et la liberté, etc., se trouvent conciliés. Toutes les oppositions et les contradictions s’effacent au sein de l’unité supérieure ou de l’absolu. L’harmonie reparaît. La grande loi de l’évolution domine tout. Cette loi, c’est le progrès, le Processus.

Elle régit l’univers entier, physique et moral ; c’est la marche incessante et universelle des choses, et l’absolu lui-même y est soumis. Ce progrès est marqué par la gradation des puissances (Potenzen) qui, de degrés en degrés, du plus bas jusqu’au plus élevé, par une série non interrompue de formes successives, engendrent les formes supérieures où se réalise l’absolu.

Dans cette évolution, l’art, jusqu’ici non oublié, sans doute, mais tenu aux étages inférieurs, se trouve placé au sommet de la pyramide. C’est lui qui contient la solution des plus hauts problèmes ; en lui se résolvent toutes les oppositions. C’est l’apothéose de l’art.

  1. Voy. 1er septembre 1880.