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LA PSYCHOLOGIE

EN ÉCONOMIE POLITIQUE



Dans deux articles publiés ici même aux mois d’août et de septembre 1880, j’ai essayé de montrer que, seuls parmi tous les phénomènes intimes, la croyance et le désir sont susceptibles de degrés homogènes, ainsi que d’états positifs et négatifs symétriquement opposés, et par suite sont seuls des quantités, mais que par dérivation ils peuvent communiquer leur caractère quantitatif aux composés psychologiques innombrables dans lesquels, le plus souvent ensemble et à doses inégales, ils jouent toujours le rôle actif. À l’exception de ces deux modes ou plutôt de ces deux forces considérées dans leur pureté abstraite et partout présente, tout dans l’âme, et, en première ligne, la sensation pure, extraite par hypothèse d’un amas de jugements et de desseins inconscients fondus en elle, serait chose qualitative, unique en soi, inhérente à son instant propre, irreproductible et, par conséquent, incapable de ce genre de variation qu’on appelle accroissement ou diminution. Enfin, la croyance serait toujours l’objet du désir, et il serait dans la nature du désir de se consommer finalement dans la croyance, dont la vérité scientifique achevée et la sécurité individuelle parfaite seraient les formes les plus hautes.

Pour achever la démonstration de ces idées, il n’est rien de tel que de les tenir provisoirement pour démontrées et de les appliquer à la morale, à la logique ou à l’économie politique, afin de faire voir les remaniements peut-être heureux — c’est une chance à courir — qu’elles imposeraient à ces sciences. J’ai déjà commencé cette application à propos de Bentham, mais un peu en courant. Dans ce qui va suivre, je me restreindrai aux conséquences proprement économiques de mon point de vue, et, plus spécialement même, à la théorie de la valeur.

Voici pourquoi. À la rigueur, à la grande rigueur, il est vrai, la logique et la morale peuvent s’édifier convenablement sur des bases mystiques, sans avoir égard d’une manière expresse à la nature