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HERBERT SPENCER. — les corps représentatifs

qui ne daignaient pas se mêler avec ces petites gens ; » et probablement ces députés, gênés par la présence de supérieurs qui leur imposaient, préféraient prendre séance à part. En outre, la coutume voulait que les divers États se soumissent aux taxes en proportions différentes ; et l’usage avait pour effet de les obliger à tenir conseil séparément. Enfin, « après que les députés avaient donné leur consentement aux taxes que la couronne leur demandait, leur affaire finie, ils se séparaient, bien que le parlement continuât encore à siéger et à discuter les affaires nationales. » Ce dernier fait nous fait voir clairement que, si d’autres causes concouraient à produire la séparation, la dissemblance des fonctions était la cause essentielle qui à la longue rendit la séparation permanente entre le corps représentatif et le corps consultatif.

Ainsi, de peu d’importance d’abord, et grandissant en puissance seulement parce que la partie libre de la société, occupée de production et de distribution, grandissait en masse et en importance, de sorte que ses pétitions, toujours plus respectées et plus souvent obéies, devinrent la source de la législation, le corps représentatif se trouva la partie du gouvernement qui exprima de plus en plus les sentiments et les idées de l’industrialisme. Tandis que le monarque et la chambre haute sont les produits de l’ancien régime de la coopération obligatoire, dont l’esprit s’y révèle encore, mais en s’affaiblissant graduellement, la chambre basse est le produit du régime moderne de coopération volontaire qui remplace l’ancien ; et l’on voit graduellement cette chambre basse réaliser les vœux du peuple habitué à une vie chaque jour réglée par le contrat au lieu de l’être par la loi.

Pour empêcher qu’on se méprenne, il faut, avant de résumer ce chapitre, faire remarquer que nous ne tenons pas compte des corps représentatifs qu’on a vu créer de toutes pièces dans les temps modernes. Les législations coloniales, constituées délibérément d’après les traditions apportées de la mère-patrie, ne sont des exemples de la génèse des corps sénatorial et représentatif qu’en un sens fort restreint : on y voit que les appareils des sociétés mères se reproduisent dans les sociétés dérivées, selon que les matériaux et les circonstances le permettent ; mais on n’ÿ voit pas comment ces appareils se produisent. Il est encore moins besoin de mentionner les faits où, après des révolutions, des peuples assujettis jusque-là au despotisme se mettent par imitation à créer soudainement des corps représentatifs. Nous n’avons à nous occuper ici que de l’évolution graduelle de ces corps.

Souverain dans le principe, encore que passif, le tiers élément de