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ments français et espagnol avec celle du parlement anglais. Les citations que nous avons rapportées montrent que les cortès établirent dans le principe et maintinrent pour un temps le droit d’accorder et de refuser au roi ses demandes d’argent et de lui imposer leurs conditions ; mais en définitive elles échouèrent dans cette tâche. « Dans la lutte pour la liberté espagnole sous Charles Ier, la couronne négligeait de répondre aux pétitions des cortès, où elle se servait de réponses générales et dilatoires. Cela donna lieu à bien des remontrances. Les députés insistèrent en 1523 pour avoir des réponses avant de donner de l’argent. Ils y revinrent en 1525 et obtinrent une loi générale insérée dans la Recopilacion, disposant que le roi répondrait à toutes les pétitions avant de dissoudre l’assemblée. Toutefois cette loi fut violée comme les autres. » Bientôt arriva la décadence du pouvoir parlementaire. Le changement opéré en France n’eut pas la même forme, mais il fut de même nature. Nous avons vu que les États généraux avaient fait de l’octroi des taxes la condition du redressement des griefs ; ils se trouvèrent plus tard amenés à abandonner ce pouvoir, qui était une entrave pour le roi. Charles VII « obtint des États du domaine royal réunis en 1439 que les tailles seraient déclarées permanentes, et, depuis 1444, il les leva sans interruption et sans vote préalable. La permanence des tailles s’étendit aux provinces annexées à la couronne ; mais celles-ci conservèrent le droit de les voter par leurs états provinciaux Dans les mains de Charles VII et de Louis XI, l’impôt royal s’affranchit de toute autorité… Il augmenta de plus en plus. » D’où, selon Dareste, il résulta que lorsque les tailles et les aides furent devenus permanents, et que la convocation des États généraux cessa d’être nécessaire, il n’y eut guère plus d’assemblées que pour la forme. » Mais en Angleterre, durant le siècle qui suivit l’établissement définitif du parlement, les luttes incessantes nécessitées par les échappatoires, les tromperies, les mensonges des rois, eurent pour effet l’accroissement du pouvoir qu’avait le parlement de supprimer les subsides tant qu’il n’avait pas été fait droit aux pétitions.

Nous reconnaissons que ce résultat a été favorisé par les conflits des factions politiques, qui diminuaient la puissance coercitive du roi ; mais nous devons insister sur ce fait que l’accroissement d’une population industrielle libre en a été la cause fondamentale. La convocation des chevaliers du comté, représentants de la classe des petits propriétaires fonciers, qui précédait dans quelques circonstances la convocation des députés des villes, donne à penser que l’importance de cette dernière classe augmentait à titre de