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HERBERT SPENCER. — les corps représentatifs

sensions, succombe de nouveau dès que la vieille organisation recouvre sa stabilité et son activité, si le développement industriel n’a pas fait des progrès dans la même proportion. L’Espagne, ou pour mieux dire la Castille, en offre un exemple. La part que ces communautés industrielles, formées pendant la colonisation des terres incultes, avaient su acquérir dans le gouvernement ne fut plus au bout de quelques règnes que des simulacres de guerres et d’annexions.

Il est instructif de remarquer comment ce premier mobile de la coopération qui donne naissance à l’union sociale en général continue plus tard à donner naissance à des unions spéciales au sein de l’union générale. En effet, de même que l’action militaire à l’extérieur inaugure et favorise l’organisation de l’ensemble, de même l’action militaire à l’intérieur inaugure et favorise l’organisation des parties, alors même que ces parties, industrielles par leurs fonctions, n’ont dans leur essence rien de militaire. Quand on lit leur histoire, on voit que les groupes grandissants d’individus qui formaient des villes, où ils menaient une vie essentiellement caractérisée par l’échange continu de services d’après accord, développèrent leurs appareils gouvernementaux durant leurs luttes persistantes avec les groupes militaires qui les environnaient.

Nous voyons d’abord que les établissements de commerçants, qui acquéraient de l’importance et obtenaient des chartes royales, se trouvaient par le fait dans des situations quasi militaires, devenaient avec quelques modifications des tenanciers féodaux de leurs rois, et portaient des responsabilités communes. D’ordinaire, ils payaient des droits de divers genres, équivalents en somme à ceux que payaient les tenanciers féodaux, et, comme ceux-ci, ils étaient tenus au service militaire. Dans les villes espagnoles qui possédaient des chartes, « tout habitant devait le service militaire ; » et « tout homme possédant une propriété d’une certaine étendue était tenu de servir à cheval, ou de payer une certaine somme. » En France, « dans les chartes d’incorporation des villes, le nombre de soldats exigés était ordinairement fixé expressément ». Enfin, dans les bourgs royaux d’Écosse, « tout bourgeois était vassal immédiat de la couronne. »

Remarquons ensuite que les villes industrielles, ordinairement formées par la fusion de divisions rurales préexistantes, devenues populeuses à cause de circonstances locales qui favorisaient quelque genre d’industrie, et bientôt lieux de refuge pour les fugitifs et d’asile pour les serfs évadés, soutenaient en face des petits groupes féodaux qui les entouraient une relation semblable à celle que ceux-ci soute-