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LES CORPS REPRÉSENTATIFS[1]



À travers toute la diversité et la complexité de l’organisation politique, il n’est pas impossible de discerner par quelle marche l’évolution a produit des gouvernements politiques simples et des gouvernements politiques composés : on peut voir comment, dans certaines conditions, ces deux produits se sont unis sous la forme d’un souverain et d’un corps consultatif. Mais il est plus difficile d’apercevoir comment un corps représentatif se forme ; en effet, la marche de l’opération et le produit qui en résulte sont plus variables. Nous sommes obligés de nous contenter de résultats moins précis.

Nous devrons, comme nous l’avons fait jusqu’ici, remonter dans le passé jusqu’au commencement pour y saisir le fil conducteur. Au sortir de la première période de la horde sauvage, où n’existe aucune autre suprématie que celle de l’homme qui doit le premier rang à sa force, ou à son courage, ou à son adresse, le premier pas conduit à la pratique de l’élection, au choix délibéré d’un chef à la guerre. De la manière de conduire les élections chez les tribus grossières, les voyageurs ne disent rien : il est probable que les méthodes en usage sont diverses. Mais nous avons des récits d’élections telles qu’elles avaient lieu chez les peuples d’Europe dans les temps primitifs. Dans l’ancienne Scandinavie, le chef d’une province, choisi par le peuple assemblé, était en conséquence « élevé au milieu du bruit des armes et des cris de la multitude ; » et, chez les anciens Germains, on le portait sur un bouclier. Cette cérémonie nous rappelle un usage qui s’était conservé en Angleterre jusqu’à une époque bien près de nous, celui de promener en triomphe sur un fauteuil le membre du parlement nouvellement élu ; l’élection s’y faisait dans le principe par mains levées. Cela nous apprend que le choix d’un représentant était jadis la même chose que le choix d’un chef. La chambre des communes avait ses racines dans des assemblées locales semblables à celles où les tribus barbares choisissent leurs chefs de guerre.

  1. Voir le numéro de Juillet de la Revue.