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acceptable et quelle est la cause des erreurs de M. Piola ; j’aime mieux, en terminant, reconnaître le grand mérite du livre que je viens de résumer. M. Piola a de généreuses intentions et une érudition solide ; il a plus : son ouvrage dénote une puissance remarquable d’analyse, un goût pour la profondeur, une logique un peu étroite mais vigoureuse, digne d’une meilleure cause. Forza e materia est écrit pour des étudiants ; peut-être est-ce là la cause de quelques défauts du livre, M. Piola ne se place pas assez, en général, au point de vue du système qu’il discute ; ses arguments sont parfois de nature à ne persuader que des gens convaincus ; il ne critique pas suffisamment ses propres théories ; il parait admettre comme évidents certains principes qui ne le sont pas du tout et ne s’aperçoit pas ou ne tient pas compte des objections qu’on peut lui adresser ni des illusions que produit un raisonnement juste fondé sur des erreurs de fait ou sur des bases insuffisantes.

Fr. Paulhan.

Dr. Otto Pfleiderer. — Religionsphilosophie auf geschichtlicher grundlage. G. Reimer, Berlin, 1 vol, in 8o, xx-797 p.

Cette œuvre considérable a déjà eu le rare avantage d’être présentée aux lecteurs de la Revue philosophique par l’éminent auteur de la Philosophie de l’Inconscient[1], M. de Hartmann y a signalé une des plus remarquables manifestations de la pensée religieuse contemporaine et en a discuté les principales thèses avec sa supériorité habituelle. Toutefois cette recommandation n’est pas sans quelque inconvénient. M. de Hartmann s’est en effet placé dans son étude à un point de vue très particulier, qui est l’appréciation de l’avenir du protestantisme libéral allemand. Il a donc envisagé l’œuvre de Pfleiderer comme un élément positif dans le conflit actuellement engagé entre le christianisme et les tendances philosophiques contemporaines, et il s’est proposé de marquer la valeur de cet élément, auquel on se souvient qu’il a attribué la plus grande importance, En revanche, il a négligé de faire ressortir de quelle ressource sera ce volume pour tous ceux que touche la philosophie de l’histoire des religions, Ceux-là sont infiniment plus nombreux que ceux que préoccupe la question débattue par Hartmann, laquelle est beaucoup plutôt allemande que française. Le livre de Pfleiderer intéresse, au contraire, par la plupart de ses développements tout esprit philosophique, de quelque pays qu’il soit, qui ne se renferme pas de propos délibéré dans un cercle arbitrairement fixé. Aussi croyons-nous utile, en nous plaçant à ce point de vue, d’indiquer ce que M. Pfleiderer s’est proposé de faire et par quels moyens il a pensé atteindre son but.

« La philosophie de la religion, dit l’écrivain dans sa préface, n’est pas pour moi autre chose que la connaissance philosophique de l’es-

  1. Numéro de septembre 1879, article intitulé : La philosophie religieuse et le néo-hégélianisme.