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substance, par rapport à laquelle varient les attributs ; le concept de l’être organique est l’idée objectivée d’une cause, par rapport à laquelle varient les actions qu’elle produit. La variation est passive dans le premier cas, active dans le second, et le concept de l’évolution est celui des variations actives, La puissance évolutive est précisément la puissance active que nous attribuons à ce sujet supposé que nous appelons germe, dans notre concept de corps organique. Mais nous savons que la force, comme cause vraie, cause non phénoménale, est donnée par la relation entre le moi et ses actions. La succession des actions diverses dans le moi identique, voilà donc l’évolution réelle et connue ; puisqu’elle est l’objet de la conscience, c’est l’évolution de la vie de l’âme, la seule vie véritable. L’évolution n’est qu’un moyen d’exprimer notre idée de la vie, et elle n’est pas réelle, à moins qu’on ne l’entende au sens subjectif. Les évolutionnistes au contraire la présentent comme une vérité objective, ce qui est inconcevable. Quel est en effet l’être objectif qui reste le même, tandis que ses formes changent ? « Ce n’est pas certainement l’être universel des panthéistes, puisque, chez cet être, les diverses formes particulières existent en même temps, au lieu de se succéder. Spencer dit bien que « l’acquisition de l’individualité est le commencement nécessaire de l’évolution » ; ce qui équivaut à dire que l’évolution suppose l’individuel et exclut l’universel. Mais, en concevant l’évolution comme objective, il faut objectiver cet individuel qui en est le principe nécessaire. Or l’individuel objectif est le particulier, et le particulier, consistant dans la forme qui se modifie, ne peut constituer ce fondement immuable qu’il s’agit de concevoir.

M. Piola rejette aussi la création des espèces. « L’espèce organique, entendue non plus dans le sens de la différence d’aptitude à la reproduction entre un individu et un autre, mais dans le sens de cette aptitude considérée comme égale en divers individus, est une idée générale. Comme telle, elle ne peut passer pour une chose absolument invariable ; elle ne l’est que par rapport aux variations des sensibles particuliers qui lui sont subordonnés. On doit donc en faire une chose subjective, non créée par Dieu, mais, comme toute autre idée, faite par le sujet pensant. »

Il est inutile, je crois, de discuter la théorie ne M. Piola ; il est évident qu’il n’entend pas comme on l’entend en général la question de l’origine des espèces. Son point de vue est-il bon ? est-il mauvais ? Il faudrait, pour examiner à fond cette question, faire une critique générale de la métaphysique de l’auteur.

La cinquième partie s’occupe du transcendant. Le transcendant est ce qui se trouve en dehors des prises de notre intelligence. Ainsi les actes du sujet tombent sous la conscience ; mais le sujet lui-même ne peut être connu, il est transcendant, Une difficulté se présente. « Si le transcendant est inconnaissable, comment pouvons-nous dire qu’il existe ? comment pouvons-nous en parler ? » Comment pouvons-nous atteindre en quelque manière ce transcendant ? Par la croyance par