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BIBLIOGRAPHIES. — G. PIOLA. Forza e materia.

second, la négation de cet autre fini qui est notre action en soi, soumise aux conditions du temps et de l’espace et qui est une limitation interne du sujet, lequel est en lui-même indépendant de ces conditions. Le premier équivaut à l’universalité, le second à l’individualité.

M. Piola s’occupe, dans son quatrième chapitre, de l’idée et de l’espèce. L’auteur examine d’abord diverses théories sur les idées, celle de Platon, Aristote, Thomas d’Aquin, Malebranche, Arnauld, Hegel, etc., et combat comme toujours le panthéisme et le matérialisme. Pour lui, l’idée est la représentation abstraite de la représentation sensible. Quant à la question de l’espèce et de son origine, voici comment l’auteur le comprend.

Les naturalistes conçoivent l’espèce organique comme une réunion d’individus qui ont entre eux un rapport de ressemblance fondé sur la génération. « Le type de l’espèce, ou type spécifique, selon les naturalistes, est la somme des ressemblances présentées par les individus que l’on peut supposer venir de parents communs et qui produisent d’autres individus semblables à eux. Par conséquent, l’espèce que nous considérons est le concept du lien de reproduction qui existe entre un individu et un autre ; et la diversité d’espèce est le rapport entre un individu et un autre entre lesquels ce nœud n’existe pas. » °

La caractéristique de l’espèce est donc l’aptitude à une fonction déterminée, c’est-à-dire un élément physiologique. Mais alors il ne paraît pas exact de définir l’espèce une collection d’individus. Si elle consiste dans une propriété commune à divers individus, on ne peut dire qu’elle consiste dans la réunion de ses individus. L’espèce ne possède pas la réalité externe ; elle est, comme l’appelle Agassiz, une entité idéale, et ne possède que la réalité interne. Elle est une idée du sujet pensant, et, comme telle, elle est naturellement générale par rapport aux individus extérieurs, et elle a une existence indépendante de la leur. L’espèce est une idée ; il n’y a dans la nature que des individus. Mais pour les uns cette idée est chose invariable ; d’après les autres, elle varie, et « nous avons d’un côté la théorie de l’immutabilité des espèces, qui se fonde sur la philosophie de Platon et de Malebranche, d’autre part la théorie de la variabilité des espèces, qui se fonde sur la philosophie d’Hegel. »

Il est assez curieux de voir les théories sur les idées, de Platon, de Malebranche et de Hegel, données comme fondement des théories sur la variabilité des espèces. M. Piola qui n’est d’accord avec aucun de ces philosophes, se demande quelle opinion il doit adopter. Il n’est pas favorable à la théorie de l’évolution. Cette théorie, comme la théorie des atomes à laquelle il la compare, résulte pour lui d’une extension trop considérable des données de l’expérience.

Continuant son examen, l’auteur critique la comparaison faite par Hæckel entre la formation des organismes et la formation des cristaux ; le monde organique et le-monde inorganique se distinguent l’un de autre ; le concept de l’être inorganique est l’idée objectivée d’une