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Ce sujet externe, comment arrivons-nous à le connaître ? Par la résistance que rencontre notre activité. « De même qu’une ligne définie a deux points extrêmes qui en sont les limites, ainsi notre action dans l’espace a pour limites le moi et le non-moi, où elle s’arrête, » Le moi et le non-moi sont les « deux limites inconnaissables de ce qui est connu : l’action. » La matière, telle que nous la percevons, n’est qu’une apparence.

M. Piola a distingué avec Vico, pour lequel il montre une grande admiration, la matière physique et la matière métaphysique ; il distingue de même la cause ou force physique et la force ou cause métaphysique. Le véritable cause, opposée aux conditions, est la cause métaphysique. Cette cause n’est pas mesurable par ses effets ; le sujet humain, par exemple, quand il se représente un arbre, n’est pas plus grand que quand il se représente une feuille ; c’est que la cause est indépendante de son effet ; elle ne lui est pas antérieure dans le temps ; enfin son rapport avec ses effets, le rapport du moi comme cause et ses actions comme effets est inconnaissable. « La force, dans le sens de cause vraie du phénomène, comme la matière dans le sens de substance du corps, est inconnaissable, parce qu’elle n’est pas une action du sujet, mais le sujet même qui agit. »

Les conclusions de M. Piola sur la force sont les suivantes : « La force est l’être, ou, en d’autres termes, la substance est en même temps cause. La force, ou l’être, est le moi, et elle est essentiellement individuelle. » La substance unique des panthéistes, M. Piola s’étend longuement sur ce point, ne peut rendre compte du particulier, de l’individu. Les conclusions de l’auteur, comme il le fait remarquer, sont contraires aussi au système des deux espèces d’être ou de substance : la substance spirituelle et la substance matérielle.

Le nombre, l’unité, l’infini font l’objet du chapitre suivant : le nombre est la représentation intellectuelle de la relation de temps existant entre les représentations sensitives rapportées à la représentation abstraite de ces sensations qui est l’unité du nombre.

Mais l’unité qui fait partie d’un composé, l’unité de mesure n’est pas la véritable unité. La véritable unité est de nature différente du composé. Ici encore, nous trouvons comme pour la force et la matière la différence entre la réalité expérimentale et la réalité métaphysique ; nous avons « l’unité propre à l’action du moi et l’unité propre au moi, sujet de l’action. Tandis que la première est l’unité du nombre, la seconde est l’unité, négation du nombre. » Cette distinction ramène l’auteur à une distinction, à laquelle il était arrivé déjà par d’autres considérations, entre l’être et le faire, entre le moi considéré comme indépendant de son action et le moi en tant qu’il agit.

Comme il y a deux espèces d’unités, il y a encore deux espèces d’infinis, l’infini mathématique et l’infini métaphysique, l’infini de l’unité action et l’infini de l’unité être, du moi. Le premier est la négation de ce fini qui consiste dans la limitation extérieure de notre action ; le