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Discours sur la méthode. L’auteur y combat l’opinion de M. Cousin, partagée pas les historiens anglais du cartésianisme, qui fait du père de la philosophie moderne l’inventeur d’un système fondé sur la con science, c’est-à-dire sur une observation empirique de l’esprit. Son système était au contraire € un système déductif tiré, comme on devait s’y attendre de la part d’un mathématicien, du plus petit nombre possible de principes. »

Dans son exposé de la physique cartésienne, M. Mahaffy rend hommage à la grande hypothèse qui lui sert de base et que « l’expérience des modernes a si singulièrement confirmée ». Descartes, selon lui, à devancé sur bien des points les découvertes de la science moderne, — Il trouve même dans sa Dioptrique une théorie de la vision à laquelle, selon lui, Berkeley n’a guère ajouté. « Il est impossible que Berkeley ait ignoré la Dioptrique de Descartes, et cependant on se demande comment pouvait prétendre à une originalité quelconque sur ce sujet. »

La physiologie purement organiciste de Descartes est clairement et fidèlement exposée ; sa psychologie n’est pas présentée peut-être d’une façon assez systématique, et l’analyse de M. Mahaffy n’en donne qu’une idée confuse et incomplète. La théodicée cartésienne est la partie sacrifiée du système.

L’histoire du cartésianisme après Descartes n’est qu’une simple esquisse de quelques pages. Notons ici cependant un passage remarquable sur Locke, « si profondément pénétré par l’influence cartésienne que ses Essais sont d’un bout à l’autre pleins d’assertions empruntées au système qu’il combat ; » et la conclusion, un peu emphatique, qui compare l’influence de Descartes sur la pensée moderne à celle de Socrate sur la philosophie grecque : « Il fut plus grand encore que Socrate, si l’on considère l’étendue de son influence. Dans tous les champs de sa pensée, dans sa philosophie première, dans sa théologie, dans sa physique, dans sa psychologie, dans sa physiologie, il sema les dents de dragon d’où sortirent des légions d’hommes armés, combattants de la grande lutte intellectuelle qui doit, espérons-le, être mortelle pour les erreurs et les préjugés, mais pleine d’une vie et d’une énergie nouvelle pour le progrès de l’esprit humain en Europe. »

E. B.