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objet distinct de toute notre connaissance, ou transcendantal ? D’où vient l’illusion vulgaire, ou la nécessité intellectuelle, de croire que c’est lui qui règle notre connaissance, alors que, selon ce qui vient d’être exposé, c’est l’unité de l’aperception qui la règle ? Où est le rapport de ces deux choses, et qu’entend-on lorsqu’on parle d’un objet correspondant à la connaissance ? — 1re solution. Toute représentation a un objet, qui est l’objet de l’objet empirique, qui dès lors ne peut être lui-même atteint par l’intuition. C’est donc la chose en soi, toute transcendantale, en ce que le mode d’intuition n’en est pas donné. Ne comportant aucune détermination empruntée à l’intuition sensible, il est par rapport à celle-ci un X, le même pour toutes les intuitions particulières. Loin donc que ce soient les déterminations propres à chaque intuition sensible (externe ou interne) qui expriment le rapport de celle-ci à cet X, c’est ce que ces intuitions ont de commun qui fait le rapport nécessaire à l’objet = X : c’est donc l’unité elle-même de l’aperception, et ce qui en dérive. Ainsi découvre-t-on que les deux choses, l’objet, l’unité de l’aperception, posent les mêmes lois et fondent d’une manière absolument pareille la dépendance complète des intuitions entre elles, l’unité universelle de la nature. Philosophiquement parlant, la seule donnée et la seule connaissable, c’est en définitive l’unité de l’aperception transcendantale, — 2me solution. On part des résultats de la déduction des catégories. Celles-ci sont purement les conditions de la pensée en une expérience possible. Donc elles s’appliquent uniquement aux représentations dont est composée cette expérience, et nullement à l’objet en soi. Or un concept à priori qui ne se rapporte à aucune expérience possible n’est que la forme logique d’un concept, non un concept par quoi quelque chose est pensé : c’est un pur rien. Sil en est ainsi, quand on parle de l’accord de nos connaissances par rapport à « l’objet en général » — X, il faut bien que cet accord très réel exigé par l’objet ne soit que l’accord avec l’unité transcendantale de la conscience pure. Donc, au lieu de parler des fonctions de l’objet, il sera rigoureusement exact de dire partout et toujours : les fonctions de l’aperception et ses conditions. — La valeur objective, universelle et à priori, des catégories est donc démontrée par les conditions mêmes de la connaissance et dans les seules limites de l’expérience.

L’Analytique des principes, suite de l’Analytique des concepts, résout le troisième problème. La possibilité de l’application des catégories, concepts purs à priori de l’entendement, aux intuitions empiriques, s’explique par la théorie du schématisme. Ce qu’il faut retenir de cette exposition si originale, ce sont les dernières lignes : les schèmes réalisent les catégories « qui autrement ne représentent aucun objet », rien de pensé. Mais à quel prix ! En les limitant par des conditions prises en dehors de l’entendement, dans la sensibilité, « d’où seulement elles tirent leur signification » (voy. Analyt. des princ., ch. 1, sub finem).

Les principes à priori sont les règles d’après lesquelles l’application