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ANALYSES. — BENNO ERDMANN. Kant’s Kriticismus.

d’activité, même d’émotions intellectuelles ; il n’est pas fait mention de l’intelligence proprement dite et de ses progrès. On dirait qu’on a affaire à un être que la nature destine à devenir sensible, actif, el non pas intelligent. Cependant, dans les premières années de la vie, les perceptions des sens, les jugements, les associations d’idées, les souvenirs germent dans le cerveau des enfants, et l’éducation intellectuelle est dès ce moment le meilleur principe qu’on puisse donner à l’éducation morale.


Gabriel Compayré.

Benno Erdmann. — Kant’s Kriticismus in der ersten und in der zwetien auflage der kritik der reinen vernunft, — Eine historische untersuchung. — Leipzig, Leopold Voss, 1878. — Kants Kritik der reinen Vernunft, édition B. Erdmann, même librairie, 1878.

La différence des deux premières éditions de la Critique de la raison pure, controversée depuis un siècle, est plus qu’un problème d’un intérêt rétrospectif ; c’est aujourd’hui encore la question capitale où se débat l’idée de la philosophie et de la métaphysique. Historiens et métaphysiciens y ont vu, selon leurs goûts, une amélioration de la doctrine kantienne ou une déformation de la pensée primitive. De ces deux interprétations, l’une ou l’autre s’impose ; il faut choisir. Mais, pour permettre un choix éclairé, cette différence méritait d’être étudiée dans ses causes. Il convenait à cet effet de procéder à une minutieuse enquête historique, de rassembler les documents contemporains, lettres, comptes-rendus, confidences, apologies ou critiques des amis, des partisans et des adversaires de la première heure ; de suivre pas à pas le grand réformateur durant cette période de six années (1781-87), pour constater sous l’unité de but les fluctuations de l’idée, les arrière-pensées inconscientes, peut-être même les tendances incompatibles, et, à côté des changements extraordinaires de fond et de forme de la seconde exposition, les habiletés de langage purement exotériques. Procès délicat, où l’on ne sait trop ce qui s’impose le plus, la science de l’historien unie à la patience du chercheur, ou la finesse d’esprit aiguisée du dialecticien. C’est cette œuvre difficile que M. Benno Erdmann, le savant de notre temps le plus érudit en matière de philosophie kantienne, a eu le courage d’entreprendre et, disons-le de suite, a exécutée avec une sagacité merveilleuse, Cette très remarquable étude historique complète ses recherches antérieures sur les origines intellectuelles et les œuvres du maitre de la philosophie moderne[1] ; c’est dans l’ensemble

  1. Cette étude sert d’introduction à l’excellente édition de la Critique de la raison pure, publiée en même temps par M. B. Erdmann. Le texte en a été révisé avec le plus grand soin, d’après les travaux de Rosenkranz, Hartenstein Kehrbach, Leclair, et a été l’objet de la part de M. B. Erdmann de nombreuses et utiles améliorations. — Les autres ouvrages du même savant sur Kant : Martin Knutzen und seine Zeit, l’Introduction aux Prolégomènes, la Critique de la raison pratique, ont été précédemment signalés au public par la Revue.