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histoires fausses qui le passionnent le plus. Tandis qu’il écoute : avec anxiété la lecture de Peau-d’Ane ou du Petit-Poucet, il est à peu près dans la situation où nous sommes quand, au théâtre, nous assistons avec une émotion profonde à un drame fictif, y prenant un plaisir infini, mais sans être pourtant dupes des inventions du poète. M. Perez semble croire qu’en alimentant chez l’enfant l’instinct du merveilleux on finira par le rendre insatiable. Nous pensons tout au contraire qu’il faut satisfaire de bonne heure cet appétit naturel, si l’on ne veut pas qu’il se rattrape plus tard. La légende et la fable, il est bon de les inoculer de bonne heure à l’enfant, — comme on inocule certaines maladies pour les rendre inoffensives, — afin que plus tard, par une réaction nécessaire, elles ne se vengent pas de l’oubli où on les laissées, en faisant de trop grands ravages dans la conscience de l’adolescent où de l’homme,


Chapitre IV. Rapports de la sensibilité et de l’activité.


Ce qui manque le plus au livre de M. Perez, c’est un ordre logique, une classification des différents faits qu’il examine. De là des répétitions, des doubles emplois. Ainsi la question des jeux, déjà étudiée dans le chapitre précédent, reparaît dans celui-ci, et, ce qui est plus singulier, l’auteur, oubliant qu’il en a parlé, déclare par inadvertance (p. 170) qu’ « il reviendra sur ce sujet dans le chapitre consacré à l’étude de l’imagination enfantine ».

On ne voit pas trop comment se rattachent l’une à l’autre les deux autres questions traitées dans ce chapitre, celle de l’instinct de la propriété, si précoce chez l’enfant, et celle des moyens disciplinaires par lesquels on obtient l’obéissance. Quoi qu’il en soit, sur ce dernier point, M. Perez ne fait guère que commenter les idées de Locke, de Fénelon, de Rousseau, de M. Spencer et de M. Bain. Peut-être est-il un peu sévère pour Rousseau et pour ce principe célèbre que l’enfant doit être placé dans la dépendance des choses. N’est-ce pas pour des raisons analogues que Mme Necker de Saussure disait : « L’éducation publique, où Von gouverne par des lois immuables, est plus favorable que l’éducation domestique au développement de l’énergie. »


Chapitres V et VI. Culture des émotions sociales.


Plus on avance dans la lecture du livre de M. Perez, plus on se convainc que l’éducation morale du tout petit enfant. (auteur ne parle guère que des rois premières années de la vie) ne comporte pas un grand nombre de prescriptions. C’est forcer les choses qu’écrire un livre de 300 pages sur un pareil sujet. L’anecdote vient trop souvent y suppléer à l’insuffisance des idées générales. Pour tout ce-qui a rapport à la sympathie, à la bienveillance active, à la colère, à la peur, à la jalousie, même à l’imitation, il faut décidément franchir le premier âge et les limites trop étroites que M. Perez s’est imposées, si l’on veut trouver à dire quelque chose de pratique et qui soit pédagogiquement