Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
TANNERY. — l’éducation platonicienne

intime des disciples, et la concession faite aux croyances populaires, dans les ouvrages destinés à la publicité, ne peut étonner aucun de ceux qui ont étudié Platon ; Teichmüller, au reste, a suffisamment établi qu’il ne faut, dans les Dialogues, accepter sans réserves que les parties dialectiques comme exprimant la véritable pensée de l’auteur ; il a assez montré, sous cette condition, la parfaite unité des dogmes métaphysiques, assez élucidé les principes de l’interprétation des mythes, sous le trompeur rideau desquels le grand écrivain se plaît à dissimuler prudemment sa doctrine, pour que nous n’ayons point, dans le cas tout particulier qui nous occupe, à insister sur la nécessité de ne pas prendre à la lettre telle ou telle expression des Lois, que l’on pourrait opposer à M. Schiaparelli.

Ce dernier s’appuie principalement sur un long passage du livre VII, où il est d’ailleurs très clair que Platon ne veut pas dévoiler le fond de sa pensée, mais seulement indiquer qu’elle s’éloigne de l’opinion vulgaire. Contentons-nous de traduire la phrase la plus importante (822, a) :

« Ce n’est point la droite opinion que de considérer comme errants la lune, le soleil et les autres astres ; c’est tout le contraire qui est vrai. Chacun poursuit toujours la même route et non par divers chemins, une seule révolution circulaire, quoiqu’il puisse paraître soumis à plusieurs ; et par là c’est à tort que l’on regarde comme le plus lent celui qui est le plus rapide, comme le plus rapide celui qui est le plus lent. »

Ce passage se rapporte, en première ligne, à la complication du mouvement diurne et du mouvement propre, d’où résulte le mouvement apparent. Si nous considérons le soleil par exemple, il nous paraît décrire chaque jour un parallèle différent (divers chemins) ; pour les ioniens en général, pour Anaxagore et Démocrite en particulier, ce mouvement apparent est bien le mouvement réel du soleil. Cette opinion contre laquelle s’élève Platon, peut d’ailleurs être contredite de deux façons : ou bien, suivant le système du Timée. le mouvement diurne de la sphère céleste est supposé entrainer tous les astres, et alors il ne faut considérer comme le mouvement vrai du soleil que sa circulation annuelle dans le plan de l’écliptique ; ou bien, suivant le système d’Ecphante, on peut nier le mouvement de la sphère céleste, remplacé par la rotation de la terre, et la même conséquence, relative au mouvement vrai du soleil, ne souffre plus aucune difficulté.

C’est sur le choix de Platon entre ces deux alternatives que porte le désaccord de M. Th.-H. Martin et de M. Schiaparelli. Si l’on tient compte de l’opinion du philosophe sur les distances des planètes à