Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
revue philosophique

forme, égal à celui que possède en réalité le point B autour du centre fixe.

Ainsi, dans le système de Philolaos, les astres auraient tous dû paraître décrire toutes les vingt-quatre heures un petit cercle autour de leur position relative au centre du monde ; ce petit cercle eût eu un rayon égal à celui sous lequel eût paru, transporté à la distance de l’astre, l’intervalle entre la surface terrestre et le centre de l’Ἑστία.

Comme le système de Philolaos a sa partie de vérité, que la terre tourne autour de son centre, cette apparence existe théoriquement pour tous les astres ; mais de fait, en raison de l’énormité des distances astronomiques, elle n’est sensible, même aux observations les plus précises, que pour les astres les plus voisins. C’est ce qu’on appelle la parallaxe diurne.

Comme les anciens étaient loin de pouvoir s’imaginer les distances réelles des astres, l’objection était sérieuse, si imparfaite que fussent les moyens d’observation à cette époque. À tout le moins les partisans du système de Philolaos étaient-ils conduits à diminuer autant que possible le rayon de l’orbite supposé décrit par la terre, et finalement, supprimant l’inutile antichtone, à replacer notre globe au centre du monde, tout en lui conservant son mouvement de rotation autour de ce centre. Arrivés à cette limite, Ecphante de Syracuse et Héraclite du Pont, disciple de Platon, étaient inattaquables, car il leur était à leur tour facile de démontrer que, du moment où la position de l’observateur est excentrique par rapport au centre du monde, la parallaxe est identique, que le mouvement diurne appartienne aux astres ou à la terre.

Ainsi le principe de la théorie des excentriques et des épicycles était découvert, et l’examen tant soit peu approfondi de ces questions permettait à un astronome de reconnaître qu’il y avait là une hypothèse se prêtant, grâce à des combinaisons faciles, à l’explication des anomalies célestes.

Un passage très précis de Platon montre qu’il ne resta pas étranger à ces discussions. À près avoir décrit le mouvement d’un corps de révolution auteur de son axe fixe (ἐν ἑνὶ), il ajoute (Lois, X, 893 d) : « Quant aux mobiles ἐν πολλοῖς, tu me sembles désigner ainsi ceux qui sont animés d’un mouvement de translation et se déplacent continuellement de lieu ; et ceci peut arriver qu’ils tournent soit autour d’un seul centre, soit autour de plusieurs, par une circulation avec roulement τῷ περικυλινδεῖσθαι). » Ainsi on s’était de fait déjà préoccupé, à sa connaissance, du problème de représenter un mouvement quelconque par une combinaison de mouvements circulaires et uniformes, ce qui est précisément le problème des épicycles.