Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
161
TANNERY. — l’éducation platonicienne

plus ou moins grande, et de là les anomalies de leurs mouvements, anomalies sans doute elles-mêmes soumises à des lois, mais seulement aussi dans une certaine mesure plus ou moins grande, et ainsi finalement et au fond, irréductibles à la règle, au moins autant que l’autre l’est à l’un.


X

LE MOUVEMENT DE LA TERRE

Pour compléter notre étude sur les opinions astronomiques de Platon, nous ne nous arrêterons pas au Timée, où il n’y a plus à glaner après M. Th.-H. Martin. Il a surabondamment établi en particulier, sur un passage déjà trop controversé, que, dans ce dialogue, Platon tient toujours pour l’immobilité de la terre au centre du monde. Mais la méprise, peut-être volontaire, d’Aristote sur ce point, prouve au moins que cette antique croyance était, dès ce temps, fortement battue en brèche, quoiqu’elle dût garder encore la prépondérance pendant de longs siècles. Ii semble d’ailleurs que cette méprise ait été occasionnée par la connaissance qu’avait Aristote d’un revirement ultérieur dans les idées de Platon, fait qui paraît suffisamment établi par le témoignage de Théophraste[1] : « Platon devenu vieux, se repentit d’avoir donné à la terre la place centrale dans l’univers, place qui, étant la principale, convenait à quelque chose de mieux. » Il est clair que, si Platon arriva à supposer à la terre une position excentrique, il lui supposa en même temps le mouvement.

Une étude sur le progrès et le sort, dans l’antiquité, des opinions contraires au système des apparences astronomiques, ne sera donc point déplacée ici, si nous voulons présenter un tableau suffisamment complet de l’état des sciences à l’époque qui nous occupe.

On sait que le premier système où la terre fut déplacée et mise en mouvement est celui de Philolaos. On ne peut guère douter que Platon n’en eût pleine connaissance dès l’époque où il écrivait la République : car il y fait une allusion très claire à la grande année empruntée par ce pythagoricien à Œnopide de Chios[2]. On ne peut

  1. D’après Plutarque, Platon. Quæst. VIII ; Vie de Numa, XI.
  2. Civitas, IX, 588 a. « C’est bien le nombre (729) vrai et convenable aux vies, si à celles-ci conviennent les jours et les nuits, les mois et les ans. » Ce cycle comprenait 21,537 jours, 720 mois lunaires contre 59 années solaires (31 révolutions de Mars, 5 de Jupiter, 2 de Saturne). 729 est aussi, à une unité près, le nombre des jours et des mois de l’année. Ce dernier rapprochement appartient à Philolaos (Censorinus). Comme période luni-solaire, ce cycle est beaucoup moins exact que celui de Meton, déjà en vigueur au temps de Platon. Il