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TANNERY. — l’éducation platonicienne

En fait, les indications du mythe se rapportent exclusivement aux mouvements en ascension droite ; on dirait que toutes les planètes circulent sans déclinaison, parallèlement à l’équateur. Il est cependant clair que Platon savait qu’il n’en est rien et qu’il lui fallait laisser les sirènes se déplacer dans le sens de la hauteur des anneaux. C’était, pour le système, une complication évitée au moins en grande partie dans la conception pythagoricienne qu’expose le Timée. Mais, si l’obliquité donnée à l’écliptique dans ce dernier dialogue suffit en réalité pour le soleil, elle ne fait que diminuer les écarts des planètes par rapport à un plan moyen, puisque le mouvement géocentrique de ces astres n’est pas compris dans un même plan. La difficulté subsiste donc dans les deux cas ; aussi ne faut-il pas voir une grossière imperfection du mythe dans le silence observé sur cette question. Si l’on peut employer des expressions d’un âge postérieur, il sera permis de dire que le livre X de la République reste fidèle au système primitif d’observation par ascensions droites et déclinaisons, tandis que le Timée consacre l’établissement du nouveau système par longitudes et latitudes. C’est un progrès, mais seulement au point de vue des conséquences qui devaient en résulter plus tard.

La question que nous voudrions principalement examiner serait de savoir comment Platon s’expliquait en général les anomalies des mouvements des planètes, anomalies qui, pour nous, tiennent en dehors de l’obliquité des orbites, à leur forme elliptique et à la position excentrique d’où nous observons ces astres. Si ce problème avait-sans doute été à peine posé pour les premiers Ioniens, il existait depuis que les Pythagoriciens avaient affirmé la convenance aux choses célestes du mouvement circulaire et uniforme, et que cependant, plus on étudiait les apparences, plus elles se montraient rebelles à cette affirmation.

Nous avons déjà eu l’occasion de citer le système astronomique d’Eudoxe de Cnide, qui, au temps même de Platon, donna du problème une ingénieuse solution, trop longtemps méconnue par la postérité moderne, mais enfin restituée par M. Schiaparelli[1]. L’idée générale de ce système est la suivante. Chaque planète est supposée fixée sur l’équateur d’une sphère particulière concentrique à la terre et animée d’un mouvement de rotation uniforme autour de l’axe perpendiculaire à cet équateur. Les pôles de cet axe sont à leur tour fixés sur la surface d’une seconde sphère concentrique animée d’un autre mouvement de rotation autour d’un autre axe, et ainsi de suite. La combinaison de ces divers mouvements, où l’on dispose du nombre

  1. Le sfere omocentriche di Eudosso, di Cullippo e di Aristotele. Hæpii, Milan, 1875.