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TANNERY. — l’éducation platonicienne

les combinaisons musicales possibles, j’ai, pour ma part, renoncé à cette hypothèse[1].

Je crois au contraire avoir trouvé une explication assez satisfaisante de l’ordre indiqué ci-dessus, en le considérant comme réglé par la similitude plus ou moins grande des mouvements des planètes et la facilité ou la difficulté de donner des explications semblables des phénomènes présentés par deux astres voisins.

Cette explication suppose que Platon possédait une connaissance assez approfondie des mouvements apparents des planètes et se rendait assez exactement compte des difficultés de leur théorie. Elle revient à dire que les assertions sur les distances représentent symboliquement les propositions qui suivent, propositions qui sont conformes aux données de l’observation.

Le plus grand abîme à franchir pour l’explication des phénomènes célestes est celui des fixes aux planètes.

Le Soleil et la Lune d’un côté, les cinq autres planètes en second lieu, forment deux groupes entre lesquels il convient d’établir une distinction subséquente.

Puis, dans les cinq, il faut séparer Mercure et Vénus (nos planètes inférieures) de Mars, Jupiter et Saturne (nos planètes supérieures).

Dans les trois groupes ainsi obtenus, les mouvements se ressemblent plus pour les planètes supérieures que pour les inférieures, pour celles-ci que pour le Soleil et la Lune.

Le mouvement de Saturne ressemble plus à celui de Jupiter que ce dernier ne ressemble à celui de Mars.

À ces propositions, que dans le système des apparences tout astronome admettra facilement, il faudrait cependant en joindre une dernière, moins explicable, celle où interviendrait la terre immobile, plus loin du groupe le plus voisin que ne sont éloignés entre eux les astres de ce groupe, mais plus près que ne le sont deux groupes entre eux. Il eût été, ce semble, plus rationnel à Platon de placer le huitième anneau, de la Terre à la Lune, sinon au premier rang, au moins au second.

Toutefois l’objection, que je ne dissimule pas, me paraît insuffisante pour renverser l’explication essayée.

Platon a pu céder sur ce point à une habitude des combinaisons

  1. Le passage qui nous occupe a été au reste entendu jusqu’à présent dans les sens les plus différents : les explications données se heurtent toutes à de sérieuses difficultés ; celle que nous proposons est nouvelle, autant que nous le croyons. M. Th.-H. Martin admet qu’il s’agit des hauteurs des anneaux, ce qui nous semble contraire au texte de Platon.