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JANET. — de la valeur de syllogisme

une guerre est proposée à l’assemblée du pays : Faut-il la faire, faut-il ne pas la faire ? Deux propositions contraires, deux conclusions contraires sont en présence. Peut-on dire que chacune de ces conclusions a été affirmée d’avance dans une induction antérieure, et qu’il ne s’agit plus que de déchiffrer le sens de cette induction ? N’est-il pas évident que, dans le principe antérieur que J’ai pu me former par l’expérience, je n’ai pas pu faire entrer en ligne de compte la guerre actuelle, à laquelle je n’ai jamais pensé de ma vie ? Dire que la conclusion à tirer fait partie de mes notes, que je n’ai plus qu’à les consulter, à les débrouiller, que tout cela est dans mon agenda, etc., n’est-ce pas la plus étrange manière de présenter l’opération ? On ne la présentera pas d’une manière plus exacte, en disant que je n’ai qu’à généraliser la conclusion pour voir si elle est vraie ; car je ne puis dire, ni : Toute guerre doit être évitée, ni : Nulle guerre ne doit être évitée : car ces deux propositions sont fausses, au moins au point de vue de la politique. Je ne puis dire qu’une chose : c’est que quelques guerres doivent être évitées, mais cela ne m’apprend pas si la guerre actuelle est de ce nombre. La vraie solution ne peut se trouver qu’en cherchant si la guerre en question est du nombre des choses qui doivent être évitées et en me demandant quelles sont ces choses. C’est ce qu’on appelle la recherche du moyen terme. Or j’en trouve ici plusieurs, tels que : l’injustice, l’imprévoyance, l’inutilité, etc. Je n’ai plus qu’à examiner si la guerre en question rentre dans ces différents cadres.

En d’autres termes, comme l’a dit profondément Aristote, qui restera toujours le maître dans cette théorie, le moyen terme correspond à la cause, τὸ μὲν γὰρ ἄιτως τὸ μέσου (Ar., Polit., II, 2, 90, a. 6)[1]. En effet la question précédente se pose ainsi : pourquoi telle guerre doit-elle être évitée ? Parce qu’elle est injuste ; parce qu’elle est inutile ; parce qu’elle est imprévoyante. L’injustice, l’inutilité, l’imprévoyance sont des motifs (ou des causes) d’éviter une chose. On présentera la même chose d’une autre manière disant : La guerre actuelle serait funeste, parce qu’elle est injuste, inutile, imprévoyante, et ce sont là en effet des causes qui peuvent rendre une guerre funeste.

Examinons tout les syllogismes (excepté les cas de tautologie, qui sont ceux qui remplissent les manuels), on verra que le moyen terme y remplit le rôle de la cause. C’est ainsi que Neptune est la cause des perturbations d’Uranus, conformément à ce syllogisme : Tout astre qui subit l’influence d’une planète est troublé dans ses révolutions, Uranus est un astre qui subit l’influence d’une planète, donc il est troublé dans son cours (dans le cours qu’il devrait suivre d’après

  1. Aristote, Seconds Analytiques, II, 2 : Τὸ μὲν γὰρ ἄιτιον τό μέσον.