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valable si je ne sais par avance que Vesta appartient au groupe des corps qui décrivent autour du soleil une révolution elliptique, et en même temps que Vesta est un corps obscur (n’ayant pas de lumière propre). Je puis si peu déduire la vérité de la conclusion de la vérité des prémisses, qu’au contraire ma conviction dans la vérité de la première prémisse à son fondement dans ma conviction de la vérité de la conclusion, et que, si la conclusion était incertaine ou fausse, la prémisse suivrait le même sort. La proposition que toutes les planètes ne nous apparaissent que dans l’intérieur du zodiaque (ce qui est vrai de toutes les anciennes planètes) perd sa valeur d’apparente universalité, aussitôt que, parmi les astéroïdes, un certain nombre ont pu être trouvés, qui dépassent le cercle du zodiaque ; et l’on ne peut pas conclure de la proposition générale, comme si elle pouvait se soutenir indépendamment des observations particulières, qu’il ne peut se trouver de planète qui gravite en dehors de ces limites : car la planète Pallas est justement dans ce cas. Mais il n’en est pas de même dans tous les cas. Si par exemple, nous avons des raisons de supposer d’avance une certaine loi générale, comme loi de la nature, universel sera reconnu comme vrai avant la découverte de la totalité du particulier ; et de cette proposition universelle on pourra tirer la découverte du particulier. Par exemple, depuis Newton, on peut considérer les lois de Kepler comme universellement vraies, sans avoir eu besoin de faire l’épreuve sur toutes les planètes et sur tous les satellites ; et même par conséquent, aussi souvent qu’une nouvelle planète a été découverte, on peut lui appliquer syllogistiquement avec une pleine confiance les lois précédentes. Même la certitude des lois déduites du principe de la gravitation que les révolutions d’Uranus paraissent contraires à ces lois, cette observation, bien loin de porter atteinte à leur certitude, autorisait au contraire la supposition d’une planète non observée, qui devait modifier le cours de cette révolution, conclusion qui a conduit à la découverte de Neptune[1]. »

Ainsi, dans beaucoup de cas, le syllogisme conduit à des vérités inconnues : il n’est donc pas seulement, comme l’a dit Mill, un déchiffrement d’une proposition déjà connue. Outre ce défaut, sa formule en a encore un autre non moins grave : c’est de supposer que la majeure préexiste toujours dans tout syllogisme, et qu’il ne s’agit que de l’interpréter. Mais, au contraire, il arrive très souvent, comme l’a remarqué P. R., que c’est la conclusion qui préexiste sous forme de thèse ou de question. Par exemple, dans une assemblée délibérante, on ne commence pas par passer des principes pour en chercher des conséquences, ce qui est une opération toute spéculative ; ce sont au contraire des questions qui se présentent ; et, pour les résoudre, on s’élève aux principes. Par exemple, une question s’élève ;

  1. Uberweg, System der Logik, § 101, 3e édition.