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JANET. — de la valeur de syllogisme

d’une majeure et d’une conclusion ; il faut une mineure. Quel est le sens de la mineure ? La mineure, suivant Mill, nous sert à interpréter la formule générale, le memorandum exprimé par la majeure. Elle sert à nous rappeler que la conclusion est une partie de la majeure, que nous l’avons déjà affirmée en affirmant la majeure. La majeure exprime notre croyance qu’un certain attribut appartient à une certaine classe d’attributs la mineure nous rappelle que telle chose possède cette classe d’attributs, et qu’elle est par conséquent une de ces choses dont nous avons préalablement affirmé l’attribut nouveau.

En quoi une telle explication diffère-t-elle du principe posé par P. R « La majeure doit contenir la conclusion, et la mineure faire voir qu’elle la contient ? » Dire que la mineure sert à faire voir que la majeure contient la conclusion, n’est-ce pas dire que la mineure sert à interpréter la majeure ? n’est-ce pas dire que la mineure nous sert à nous rappeler qu’en affirmant la majeure nous avons déjà affirmé la conclusion ?

Ainsi, en supposant que Mill ait exactement exprimé par sa formule le procédé du raisonnement déductif, nous voyons qu’il ne nous apprend par là rien de plus que ce que nous disent les logiciens sous une autre forme. Il nous masque l’essence du syllogisme en la ramenant d’abord à deux procédés, dont l’un est absolument illégitime (passage du particulier au particulier), et dont l’autre ne sert qu’à nous fournir la majeure (induction), ce qui est une opération antérieure et distincte. Enfin, quand il arrive à la déduction proprement dite, il ne peut pas dire autre chose que ce que tout le monde dit, à savoir que la mineure, en interprétant la majeure, nous y fait découvrir la conclusion.

Reste à savoir maintenant si cette manière de représenter les choses est plus exacte en réalité que celle des logiciens, à laquelle elle est identique en substance. Or nous disons, avec un savant logicien allemand, Uberweg, qu’il n’en est rien. Sans doute il peut arriver quelquefois que la mineure serve à nous rappeler ce que nous avions oublié, mais que nous avions affirmé auparavant. Le syllogisme ne serait alors qu’un déchiffrement de notes mais, souvent aussi, le syllogisme nous fait voir dans la majeure des vérités auxquelles nous n’avions jamais pensé, et qui nous sont entièrement nouvelles. Il est alors tout autre chose qu’un déchiffrement. Il conduit à de véritables découvertes.

Par exemple, si je dis Tout corps qui décrit autour du soleil une orbite elliptique est un corps obscur ; par conséquent, Vesta est un corps opaque ; je ne puis certainement reconnaître la majeure comme