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JANET. — de la valeur de syllogisme

autre fait semblable que de celui-là, et c’est parce que ce sera vrai de tout autre fait semblable que ce sera vrai de celui-là ; autrement, je n’en pourrais rien dire, à moins d’avoir la double vue, et il n’y aurait plus là raisonnement, mais intuition. Le particulier, en tant que particulier, ne peut être que perçu ; en tant qu’il est prévu, c’est qu’il est général. Je prévois que dans telle famille pourra naître tel enfant, parce que j’ai vu très souvent un fait semblable ; je prévois qu’il ressemblera à son père ou à sa mère, qu’il pourra avoir telle ou telle qualité, si tout ce qu’on dit de l’hérédité est vrai ; mais je ne peux pas prévoir les traits de son visage, ni le son de sa voix. On n’a jamais vu un peintre faire un portrait à priori, et, en supposant par impossible que cela fût, ce ne pourrait qu’en être combinant l’action commune de toutes les lois générales qui président à la confection du visage humain, et par conséquent en passant toujours du particulier au général. Mill ne l’avoue-t-il pas lui-même en disant « que, toutes les fois que par l’induction on peut conclure à un fait nouveau, on peut conclure par cela même à un nombre indéfini des mêmes faits. » C’est donc, en réalité, le général que l’on constate, et non le particulier.

Il n’y a donc pas de passage logique du particulier au particulier.

Reste à savoir maintenant si le syllogisme ne serait autre chose qu’une induction.

Mais nous avons d’abord le témoignage, de Mill lui-même, qui distingue le syllogisme de l’induction. Seulement, il y distingue deux opérations : 1o l’établissement de la majeure, qui est une induction véritable ; 2o la déduction proprement dite, qui n’est que l’interprétation de la loi générale appliquée à un cas particulier.

1° Pour ce qui est du premier point, nous dirons que nul logicien n’a considéré l’établissement de la majeure comme faisant partie du syllogisme. Pour le syllogisme, la majeure est supposée donnée (de quelque manière qu’elle soit donnée). Si elle est contestée, je puis la prouver, soit par induction, soit par syllogisme ; mais c’est une nouvelle opération, qui n’est pas celle que j’analyse, quoiqu’elle en soit supposée. Mill veut que la vraie majeure soit particulière ; mais alors pourquoi la traduire en proposition générale ? Si mon point de départ est une somme d’expériences particulières, il faut, avant de conclure à un nouveau cas, que ces expériences particulières se soient traduites en une proposition générale ; or cela, c’est induction, ce n’est pas syllogisme, Cette induction est supposée faite quand la déduction commence, et c’est en définitive ce que reconnaît Mill, revenant insensiblement à la théorie classique, lorsqu’il dit : « Nous suivrons l’usage d’appeler plus spécialement induc-