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J. OCHOROWlCZ. — projet d’un congrès de psychologie

que « la conscience ne suit pas nécessairement les opérations intellectuelles ». S’il en est ainsi chez Bain, que penser des autres ? E peut-on s’étonner quand on arrive à se convaincre qu’en face d’une question essentielle : Y a-t-il des opérations mentales inconscientes ? en Angleterre, J. St. Mill[1] nous répondra par non, Morell[2] par oui ; en Allemagne, Bergmann[3] par non, Jessen[4] par oui ; en France, Bouillier[5] par non, Colsenet[6] par oui ; en Russie, Troicki[7] par non, Uschinski[8] par oui… et ainsi de suite.

D’où provient cette confusion internationale ? Uniquement de ce qu’il n’y a pas d’unité dans la terminologie, que chacun prend le mot dans un sens qui lui plaît. Témoin Mill, qui ne conteste guère l’existence des états inconscients, mais qui les attribue aux nerfs et non à l’esprit, ce qui évidemment au point de vue phénoméniste, n’est qu’une question de terminologie.

Voici un autre exemple : Peut-on percevoir plusieurs impressions ou imaginer plusieurs représentations à la fois ? Bain, Wundt, Morell, Horwicz, etc., nous disent non ; Volkmanu, Helmholtz, Lotze, Lange, Bonatelli[9] oui. Et il y a même des savants qui soutiennent à la fois les deux, par exemple Drossbach[10], qui (p. 119 ; nous fait admettre la nécessité d’une conscience simultanée de plusieurs perceptions ( « in einem Zeitmomente zugleich » ), tandis qu’il affirme, quelques pages plus loin (240), une impossibilité absolue d’une pareille simultanéité ( «  nie mehrere zugleich » ). La cause de la confusion reste la même, savoir l’absence totale d’une définition exacte et généralement admise ce qu’on doit entendre par une perception, et où commence la représentation composée. Ce n’est pas une connaissance inaccessible à l’esprit humain que de savoir si l’image d’un homme monté à cheval renferme une représentation ou deux. Il faut s’entendre là-dessus, et voilà tout[11].

Autres exemples : Les sensations minima, quant à leur intensité, sont-elles agréables ou pénibles ? — D’après la courbe tracée par

  1. An exam. of s. W. Hun. phil., ch. VIII et IX.
  2. An introd. to mental phil., part, I, ch. iii.
  3. Grundiimen e. theorie des Bewussteins, 1870, p. 35 et suiv.
  4. Physiol. d. mensch. Denkens, 1872, p. 59. etc.
  5. De la conscience en psych. et en morale, 1872, p. 60 et autres.
  6. La vie inconsciente de l’esprit, 1880.
  7. Auteur d’un grand ouvrage en russe sur la psychologie allemande du xixe siècle (1867).
  8. Dans son ouvrage russe sur la psychologie allemande, publié en 1871.
  9. La coscienza e il meccanesimo interiore. Padova, 1872, p. 87.
  10. Die Genesis des Bewusstseins, 1860.
  11. C’est encore une impropriété de l’usage, qui fait du mot idée tantôt une représentation (Vorstellung) et tantôt une conception (Begriff) en résulte des inconvénients et même des contradictions.