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DE LA VALEUR DU SYLLOGISME



Le syllogisme passe avec raison pour le plus rigoureux des raisonnements, ou pour mieux dire pour la seule forme absolument rigoureuse du raisonnement. Quoi de plus rigoureux en effet que cette forme A est en B, B est en C, donc A est en C, d’après ce principe que tout ce qui est dans le contenu est dans le contenant ?

Et cependant, suivant certains logiciens, cette forme si rigoureuse ne serait autre chose qu’une pétition de principe. Cette objection, qui parait avoir été présentée d’abord par le Dr Campbell dans sa Logique de la rhétorique, a été depuis exposée avec précision par St. Mill dans son Système de Loguique. Voici ses paroles

Dans tout syllogisme considéré comme argument il y a une petitio principii. Quand on dit : Tous les hommes sont mortels ; Socrate est homme ; donc Socrate est mortel, les adversaires de la théorie du syllogisme objectent que la proposition « Socrate est mortel » est présupposée dans l’assertion générale : « tous les hommes sont mortels[1] »… que le principe général, loin d’être une preuve du fait particulier, n’est lui-même admis comme vrai que si l’on admet déjà la vérité du fait particulier. »

On suppose donc ce qui est en question ce qui est le propre de la pétition de principe.

Cette objection, selon M. St. Mill, ne prouve pas du tout que le syllogisme soit en lui-même un procédé vicieux de raisonnement, puisqu’il est évident qu’on ne peut s’en passer et que tout le monde lui attribue la même certitude (sinon la même utilité) ; mais elle a pour effet d’établir que la théorie habituelle du syllogisme est vicieuse c’est cette théorie et non le syllogisme lui-même, qui donne prise à l’objection précédente.

Quelle est donc cette théorie, selon Mill ?

  1. On trouve la même objection dans Proudhon. Créations de l’ordre dans l’humanité, p. 50, ch. II, § 2.