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tianisme, la métaphysique, la science ? M. de Dominicis n’hésite pas. Les idées qui perdent faveur chez un peuple, dit-il, commencent à lui devenir étrangères ou tout au moins à ne pas lui être nécessaires ; il faut les remplacer, et les remplacer par celles qui lui rendent le plus de services, qui excitent son activité, qui contribuent à son bien être et acquièrent de jour en jour plus d’autorité. Or, si nous cherchons quels sont les éléments qui vivifient notre société dans l’ordre économique, dans l’ordre politique, dans l’ordre industriel, nous voyons qu’ils sont représentés par les sciences positives. Les symboles religieux ont perdu tout pouvoir sur l’esprit et sur la volonté, et les systèmes métaphysiques sont tombés dans un discrédit complet. Peut-être ici M. de Dominicis va-t-il un peu loin. Il conclut logiquement que ce qu’il faut aujourd’hui c’est une éducation positive, une éducation scientifique. Il se défend, il est vrai, d’exclure la littérature ; mais il y a littérature et littérature : il y a la littérature vivante et la littérature morte, celle qui vit d’idées positives et celle qui n’est animée que d’inspirations vieillies. Je me demande avec quelque crainte ce que la poésie va devenir dans ce système et quelle place on lui accordera dans l’éducation, à laquelle pourtant elle ne me semble pas devoir être absolument inutile. La culture esthétique, sous ses diverses formes, doit-elle être abandonnée ? Ne serait-il pas préférable, au contraire, de la développer un peu plus ? Quoi qu’il en soit, M. de Dominicis a certainement raison d’insister sur la nécessité qu’il y a de répandre le savoir positif et surtout de faire pénétrer partout l’esprit scientifique, de né pas séparer la science et la conscience, l’intelligence de l’homme et son cœur.

On voit que la brochure de M. de Dominicis se rapproche par plusieurs points du livre d’H. Spencer. Chez le philosophe italien comme chez le philosophe anglais, nous voyons l’éducation fondée sur les lois générales de la biologie et sur la loi plus générale encore de l’évolution ; de même, nous trouvons chez tous les deux l’enthousiasme pour la science et l’amour du progrès.

Le livre de M. Rosa nous arrêtera moins que celui de M. de Dominicis. Ce n’est pas qu’il n’ait aussi sa valeur. M. Rosa est animé des meilleures intentions : il donne une grande quantité d’excellents conseils, évite les excès, enthousiasme pour le bien et le beau. La lecture de son livre est certainement une lecture saine et qui peut être utile ; mais l’analyse en est impossible, les détails tiennent trop de place, les idées générales n’en ont pas assez. Malgré son intention de faire de la pédagogie une science (il y aurait à discuter ici si la pédagogie n’est pas un art), M. Rosa est en somme assez peu scientifique. Il écoute le sens commun bien plutôt qu’il ne recherche des principes généraux fondés sur les résultats de la science et d’où seront dérivées les généralisations secondaires et les préceptes particuliers. Aussi les idées neuves sont-elles rares dans son livre, ce qui ne veut pas dire que tout y soit indiscutable, La principale idée que développe M. Rosa, c’est que la famille doit jouer un rôle important dans l’éduca-