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BIBLIOGRAPHIE. — DOMINICIS. La Pedagogia.

manifeste à un moment de l’histoire que la pédagogie rendra au caractère national des services importants.

Comment la pédagogie y parviendra-t-elle ? Comment, après s’être occupé de la pédagogie comme science, trouver les lois fondamentales tales de l’art pédagogique ? Ici encore, la doctrine de l’évolution nous montrera son utilité. Les lois qu’elle marque nous serviront de guide, telles sont la conservation de la force, les rapports intimes de l’esprit et du corps, la corrélation, le balancement des organes. M. de Dominicis insiste sur ce dernier point, dont on méconnait trop souvent l’importance, « S’occuper exclusivement de l’esprit, c’est détruire l’esprit, car la force psychique est en corrélation avec la force organico-nerveuse ; s’occuper exclusivement d’une faculté, c’est détruire les autres ; s’opposer à l’ordre naturel de développement de l’activité spirituelle ou les contrarier, c’est espérer des effets impossibles. » Mais ce principe de la corrélation des forces ne peut s’appliquer d’une manière abstraite ; il faut toujours tenir compte des circonstances, des tendances héréditaires par exemple. « On peut exiger d’un peuple chez qui s’est peu à peu développée une tendance spéciale, artistique, scientifique ou industrielle, un plus grand exercice des facultés qui sont en rapport avec cette tendance sans nuire à l’économie des autres forces de l’esprit. »

Chez les individus, la vocation s’aperçoit moins facilement : elle n’apparait pas avant l’éducation. Il convient, pour prévoir les spécialités individuelles, de donner une éducation à larges bases, qui, tout en exerçant à la fois toutes les forces de l’âme, permet encore à l’aptitude particulière de se révéler.

M. de Dominicis s’occupe ensuite de l’éducation des sentiments. Ce sont les sentiments sociaux, altruistes, qu’il faut avoir soin surtout de développer. Is deviennent la source des meilleures passions personnelles, et, sans eux, l’homme, qui est en apparence dans la société, est en réalité en dehors d’elle, C’est naturellement à la famille que revient la première responsabilité dans l’éducation morale ; mais l’État exerce une grande influence sur le développement des sentiments, en agissant sur eux par ses institutions, par la conduite qu’il impose aux citoyens, conduite qui dépend de leurs sentiments et qui par suite réagit directement ou indirectement sur eux.

Entre l’État et la famille, il faut compter l’école parmi les forces qui agissent sur les sentiments. À ce sujet, M. de Dominicis se plaint que bien des choses que l’on enseigne aux enfants ne soient pas aptes à développer leurs sentiments comme il le faudrait. On abuse de l’histoire sainte, qu’il faut connaître sans doute, mais qui ne convient pas à des enfants dans leur première éducation et qu’il vaudrait mieux remplacer par une histoire à grands traits de la Révolution française.

Ce n’est pas tout que de déterminer d’une manière abstraite comment on doit enseigner, il faut savoir aussi ce qu’on doit surtout enseigner. À chaque époque convient une instruction particulière ; quelle est celle qui nous convient aujourd’hui ? Devons-nous enseigner le chris-