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BIBLIOGRAPHIE. — DOMINICIS. La Pedagogia.

« Ce n’est pas seulement en France, disait dernièrement dans cette Revue[1] M. Compayré que les questions d’éducation et de pédagogie générale sont à l’ordre du jour. Sans parler de l’Angleterre et de l’Allemagne, où elles ont toujours préoccupé les esprits, voici l’Italie, que jusqu’ici un peu en retard, s’engage à son tour sur ce terrain. » Il s’agi sait de M. P. Siciliani et de la science de l’éducation, qu’il opposait la pédagogie orthodoxe. Les deux petits livres dont j’ai à parler aujourd’hui traitent aussi de la pédagogie. C’est à peu près la seule ressemblance qu’ils aient entre eux. L’un, celui de M. de Dominicis, est conçu dans un sens franchement darwiniste ; l’autre, celui de M. Rosa, ne se rattache étroitement à aucune théorie philosophique, ne se déduit d’aucune thèse. M. de Dominicis s’occupe surtout des lignes générales de la science de l’éducation, M. Rosa descend aux petits détails ; le premier montre un véritable enthousiasme pour les sciences comme moyens, le progrès comme but, le second se place surtout au point de vue de la morale ; le premier fera faire plus de progrès à la théorie, le second aura peut-être une plus grande utilité pratique, pour le moment, auprès de bien des gens que les hardiesses de M. de Dominicis effrayeraient quelque peu.

Notons encore que l’importance attribuée à l’éducation par chacun des deux est bien différente. M. Rosa est profondément convaincu de la grande efficacité de sa science. L’éducation peut d’un méchant faire un homme bon. Si quelquefois ce résultat n’est pas atteint, ce n’est pas la faute de la science, c’est la faute de l’éducateur, qui n’a pas bien su s’y prendre. « Corrigeons-nous, et continuons à avoir la foi dans le bien considérable que peut faire l’éducation ; croyons avec confiance qu’elle peut chasser le mal, comme un bienfaisant rayon du soleil dissipe le brouillard. » On voit que, comme il le dit, M. Rosa n’a pas eu « le cœur glacé par le souffle désolant du scepticisme ». M. de Dominicis, quoique fort loin aussi d’être un sceptique, est moins confiant ; il remarque que bien des circonstances, l’hérédité, le milieu, influent sur la nature de l’homme, que l’éducation ne peut agir qu’en tenant compte de ces circonstances, que son action sera forcément limitée et qu’elle restera quelquefois impuissant.

Il ne faudrait pas croire d’ailleurs que les deux livres se combattent. Il est au moins assez facile de les mettre d’accord. M. de Dominicis s’occupant surtout des lois générales, M. Rosa s’occupant surtout des petites circonstances de la vie de tous les jours, on peut accepter les généralisations du premier et les conseils du second, qui, pour la plupart ne sont point en opposition avec elles. Que l’or soit darwiniste ou non, par exemple, on tombera généralement d’accord sur ces points, qu’il est bon de tenir les enfants propres, de les habituer à prendre soin de leurs livres et de leurs cahiers, et sur bien d’autres encore.

Occupons-nous d’abord du livre de M. de Dominicis, le moins gros,

  1. 4. Juillet 1880, p. 113.