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connaissaient les chemins, et les indigènes avaient de grandes facilités de se défendre contre les bandes errantes de vabonds qui pouvaient découvrir leur retraite. Ces districts, qui sont devenus les cantons de Schwytz, d’Uri et d’Unterwald, n’avaient au début qu’un seul centre de réunion ; mais finalement, à mesure que la population s’accrut, ils se divisèrent en trois, se donnèrent chacun une organisation politique séparée et conservèrent longtemps leur indépendance. Quand le régime féodal s’étendit sur l’Europe, ils furent nominalement soumis à l’empereur ; mais ils refusèrent l’obéissance aux supérieurs qu’on leur imposait et contractèrent une alliance solennelle, qu’ils renouvelèrent de temps en temps, pour résister à leurs ennemis extérieurs. Nous n’avons pas à nous arrêter aux détails de leur histoire. Ce qui nous importe, c’est que les habitants de ces trois cantons, si propres par leur constitution physique à la conservation de l’indépendance des individus et des groupes, tout en se donnant à lui-même un gouvernement libre dans leur canton, s’unirent pour la défense sur le pied d’égalité. Ce furent ces types des Suisses, comme on les appela d’abord, qui formèrent le noyau des confédérations plus étendues qui, à travers des fortunes diverses, se constituèrent par la suite. Chaque canton de ces confédérations conservait son indépendance ; ils se faisaient la guerre entre eux et suspendaient leurs hostilités dans l’intérêt de la défense commune. Ce n’est que peu à peu que les ligues passèrent des formes primitives non réglées et temporaires à une forme réglée et permanente. Il faudrait ajouter deux faits significatifs ; le premier, qu’à une date plus récente, une méthode analogue de résistance, fédération et émancipation de la tyrannie féodale, fut adoptée dans des sociétés séparées occupant de petites vallées dans les montagnes, les Grisons et le Valais, régions montagneuses sans doute, mais plus accessibles que celles de l’Oberland et du voisinage ; le second, que les cantons moins accidentés ne conquirent leur indépendance ni si tôt ni si complètement, et que leur constitution interne était moins libre. Il existait un contraste prononcé entre les républiques aristocratiques de Berne, de Lucerne, de Fribourg et de Soleure, et les démocraties pures des cantons forestiers et des Grisons. Dans ce dernier canton, « chaque petit hameau au fond d’une vallée des Alpes, ou perché sur un rocher, formait une communauté indépendante, dont tous les membres étaient absolument égaux, ayant droit de vote dans toutes les assemblées et habiles à toutes les fonctions publiques. » — « Chaque hameau avait ses lois propres, sa juridiction et ses privilèges s les hameaux confédérés formaient des communes, les communes des districts, et les districts une ligue.