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charpentier. — philosophes contemporains

l’ordre. Mais, ce qu’il faut surtout observer, c’est qu’au lieu d’être, comme on le croit volontiers, une partie de l’algèbre, la théorie des combinaisons et la science de l’ordre à fortiori dominent l’algèbre tout entière. L’algèbre en effet est surtout un art de combiner un petit nombre d’opérations simples de manière à satisfaire aux conditions indiquées dans les énoncés de certaines questions. Mais la remarque que nous faisons ici ne s’applique pas seulement à l’algèbre. on peut l’étendre à la logique considérée comme art du raisonnement.

« La théorie du syllogisme, dit M. Cournot, est une théorie curieuse, parfaitement rigoureuse dans toutes ses parties et dont l’invention a précédé de beaucoup celle de l’algèbre et de la théorie des combinaisons, quoiqu’elle relève de cette dernière théorie et quoiqu’elle ait avec les règles élémentaires de l’algèbre une analogie fort étroite. En effet, bien que l’espèce ne soit pas contenue dans le genre de la même manière qu’une grandeur est contenue dans une autre, il y a pourtant des principes d’une généralité telle, qu’elle s’applique à l’un comme à l’autre mode de compréhension et d’extension. On peut dire que des deux propositions

A contient B, B contient C

résulte la troisième proposition

A contient C,

et ceci sera vrai soit que A, B, C désignent des grandeurs homogènes, soit que les mêmes lettres s’emploient pour désigner des termes génériques subordonnés les uns aux autres dans la hiérarchie des universaux. Les règles de synthèse combinatoire appropriées à la série syllogistique doivent donc avoir la plus grande ressemblance avec les règles de ce calcul qu’on appelle en algèbre calcul des inégalités et par conséquent elle ressemble beaucoup aussi au calcul des égalités ou équations[1]. »

On voit par ce passage que M. Cournot a parfaitement saisi et qu’il exprime avec une parfaite netteté le principe de la logique moderne, de la logique des Boole et des Stanley Jevons. C’est une sorte de rencontre d’autant plus frappante que M. Cournot ne semble pas avoir eu connaissance des ouvrages et des auteurs auxquels nous faisons allusion. Du reste, cette remarque, quelque intérêt qu’elle puisse avoir, n’est pas ce qui importe ici. Le point essentiel à retenir, c’est que toute opération discursive de l’esprit,

  1. Essai sur le fond. de nos conn., II, 84.