plaçaient dans les conversations comme dans l’enseignement de la chaire les mystères tirés de l’Évangile. Pour ces chrétiens, épris de sagesse mondaine, le scandale de la croix perdait peu à peu de ses charmes.
L’affranchissement ne se faisait pas cependant sans luttes. Fort de la complicité de la nation, le vieux parti résistait, et même intérieurement les consciences étaient combattues. Qu’on ne l’oublie pas, c’est au sein de l’Église, seule occupée de science et de philosophie, que le mouvement latitudinaire se répandait ; les universités étaient en somme plus semblables à nos séminaires qu’à nos écoles, et pendant un siècle la spéculation y devait garder le caractère ecclésiastique qu’elle avait eue à l’origine. Dans les institutions comme dans les esprits, il y avait juste assez de liberté pour qu’une philosophie se développât ; il n’y en avait pas assez pour que cette philosophie rompît même timidement avec le dogme.
Voilà pourquoi l’école écossaise fut toujours très circonspecte. Elle a vécu dans un petit nombre d’universités, rares foyers d’activité intellectuelle qui restaient isolés au milieu de l’obscurité environnante, asiles où l’on s’essayait timidement à la spéculation au sein d’une nation honnête, mais à l’esprit étroit et fanatique. Ceux dont les noms l’ont illustrée, fils de pasteurs, pasteurs eux-mêmes en même temps que professeurs à l’Université ou précepteurs dans les familles nobles, n’avaient en dehors de l’Église aucun moyen d’existence et devaient compter avec l’orthodoxie de leurs paroissiens et de leurs pupilles, toujours prête à s’alarmer. Quand Hutcheson donna pour remplacer son père, atteint d’un léger rhumatisme, son premier sermon dans une paroisse des environs de Dublin, les trois quarts de son auditoire quittèrent le temple avant la fin du discours, et son père, qui sur l’invitation d’un rayon de soleil venait au-devant de lui, rencontra les paroissiens révoltés, fort mécontents du jeune philosophe. Il avait dit que les païens eux-mêmes pouvaient être sauvés s’ils suivaient la lumière de leurs consciences ! Cela sentait la nouvelle école, et les doctrines du New light n’étaient pas faites pour leur plaire. C’était un vieil Écossais qui parlait ainsi. Toute l’Écosse pensait de même. Plus tard, dans les élections universitaire, les orthodoxes les plus médiocres l’emportèrent presque toujours sur les philosophes les plus illustres, et on sait que Hume brigua en vain une chaire officielle soit à Édimbourg, soit à Glascow.
Encore était-ce en un temps de confiance et de liberté relatives que Hume se risquait à ambitionner cet honneur. Après cette première génération qui avait subi l’entrainement du déisme à son apogée, qui avait ressenti le contre-coup des doctrines émises par
