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de restrictions dans leurs rapports affectueux ; ils donnent plus à la famille ; au dehors, ils comptent leurs vrais amis. De toute façon, les vifs, même les plus gais, sont prompts à éprouver de l’antipathie, sans réflexion, antipathie rarement faite pour durer, même quand la personne en vaut la peine. Vous les entendez souvent parler très haut de leur mépris, de leur haine : mais la mobilité de leur esprit ne leur laisse guère de temps pour connaître et pratiquer à fond ces vilains sentiments. Malicieux, malveillants plutôt que méchants, quand la bienveillance ou une indifférence insouciante n’est pas ce qui domine chez eux. N’être pas méchant, c’est presque avoir de la bonté ; mais les vifs ont toujours quelque raison de n’être pas tout à fait bons, j’entends de fait, non d’intention. Leur générosité va vite au caprice, à la prodigalité ; leur avance ou leur peu de facilité à donner ne les empêche pas de se laisser prendre aux démonstrations affectueuses ou aux apparences de malheur. En un mot, ils sont dévoués, comme ils sont courageux, avec entrain, avec insouciance ; ils sont égoïstes ou négligents, comme ils sont pusillanimes, par surprise, oubli, manque de réflexion.

Des vifs, la personnalité est trop tiraillée en tous sens, faute d’énergie ou de persistance de leurs désirs, pour qu’elle se redresse et se raidisse, sinon quelques instants, jusqu’à la fierté. Mais leur besoin impérieux d’impressions excitantes les prédispose à rechercher tout ce qui flatte et développe la vanité. Sérieux ou frivole, plutôt triste, ou plutôt gai, rarement un vif est sans quelque vanité ou sans quelque affectation. L’orgueil des vifs se confond avec leur vanité ; il devient de la présomption, et presque de la fatuité, quand un peu de bon sens et une bonne éducation n’ont pas tempéré leur besoin d’étaler quelque chose d’eux-mêmes, l’habit, la fortune, la position, ou l’esprit.

II. — Tout à côté des vifs, et comme transition à la classe des ardents, se placent les vifs doublés d’ardeur, ou ce que je me suis permis d’appeler les vifs-ardents. Chez eux, c’est tantôt l’ardeur, tantôt la vivacité qui domine ; quelquefois même la vivacité alterne avec une certaine lenteur, sans qu’il soit permis de les classer parmi les lents-ardents, car la plupart de leurs modes essentiels de caractère appartiennent à la vivacité.

Un effet très remarquable de la combinaison de la vivacité avec l’ardeur, c’est la mobilité des impressions et des émotions jointe à une tendance à persister. Il se produit une sorte de récurrence, de rumination des idées, des images et des sentiments.

Quand la machine est robuste, les appétits régulièrement satisfaits, les impressions du milieu tout h la fois douces et excitantes, sans