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b. perez. — le caractère et les mouvements

apportées, non pas à la personnalité morale tout entière, mais seulement aux traits les plus essentiels de la sensibilité.

II

I. — La sensibilité ne se mesure pas toujours à la vivacité, qui tend, au contraire, à l’affaiblir en l’éparpillant. Qu’elle repose sur un fond normal et fort, ou faible et maladif, la vivacité entraîne à coup sûr la mobilité des sentiments : si ce n’est pas l’inconstance, c’est la diffusion.

Mais la mobilité de l’humeur est beaucoup plus tranchée chez les vifs à complexion faible : tandis que, chez les robustes de cette classe, l’humeur est plus égale, plus uniformément au ton de la gaieté, on voit les autres passer, en un clin d’œil, du fou rire aux larmes, de la joie exubérante à l’abattement. La gaieté n’a pourtant pas beaucoup de peine à reprendre ses droits chez ceux même que la maladie, une vie solitaire, un régime peu hygiénique, une éducation compressive ou énervante, ont comme prédisposés à la lypémanie. Il n’est pas rare qu’une vie plus régulière et plus douce, l’expérience interprétée avec un peu de bon sens, l’influence calmante de l’âge ou de l’exercice, diminuent dans une certaine mesure leur facilité à se chagriner pour rien. Au surplus, chez tous les individus de cette classe, l’ordinaire est que la tristesse soit vite oubliée, parce qu’ils ne peuvent rester longtemps sur les mêmes impressions et les mêmes sentiments.

Ce tempérament (on sait dans quel sens j’entends le mot), explosif pour la joie et pour la douleur, l’est aussi habituellement pour la colère et pour les sentiments ou tendances qui s’y rattachent. Soit naturelle, soit acquise, la douceur ne se montre chez les vifs que par exception. Mais chez ceux même qui ont, naturellement ou pour des causes accidentelles, un certain sérieux d’esprit, ou une tendance à la concentration chagrine, l’effet des colères est passager, l’explosion emporte tout avec elle. Les plus belliqueux de cette classe ne sont jamais bien à craindre. Ils sont rarement aussi très craintifs : les impressions même déprimantes glissent sur eux plus ou moins.

On voit beaucoup de vifs affectueux, caressants, et même tendres ; mais on leur reproche d’avoir des liaisons trop promptes et trop courtes. S’ils ne sont point trop inconstants, ils sont assez volages : j’en ai vu dont l’amitié facile tournait à la banalité. À demi concentrés par la maladie, la tristesse ou la timidité, ils mettent plus de retenue,