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bien personnel du caractère de César, de l’intelligence et de la volonté de César. C’est un fait que ne pourraient sérieusement refuser d’admettre ceux qui ne comprennent pas l’intelligence dans le caractère, ou pour parler plus exactement, dans une étude du caractère.

La difficulté devient plus grande, si nous passons de la définition du mot à celle de la chose. Selon certains psychologues ou moralistes, le caractère est chose si complexe et si compliquée, qu’il échappe à toute définition scientifique. Il n’est pas possible, dit M. Martin, « de déterminer nettement un certain nombre de types de caractères, dans la constatation desquels entreront un certain nombre déterminé d’éléments moraux ». Il est même très difficile de distinguer ces éléments, dont « le mélange dans chaque individu est variable à l’infini ». Assurément, le caractère est chose complexe et variable ; c’est comme un composé d’éléments inégaux en quantité et en qualité, tel élément paraissant quelquefois dominer, tel autre manquant ou faiblement développé. Mais la difficulté s’atténue, si, au lieu de considérer le caractère comme un amalgame d’éléments divers en nombre et en degré, on y voit plutôt un équilibre plus ou moins instable des forces existant au moins virtuellement dans une organisation donnée. Il semble que l’on peut, comme en mécanique, indiquer au moins approximativement les directions et par suite l’intensité des plus importantes de ces forces, des plus utiles à connaître, et aussi la valeur de la plupart de leurs résultantes, soit réelles, soit conjecturales.

Mais il semble que la question qui se simplifiait se complique d’une façon inattendue. Voici de nouvelles théories, dûment fondées sur l’expérience, qui nous montrent dans la personnalité un objet insaisissable, dont l’essence est de changer, de se succéder sans fin à lui-même. Ce ne sont plus les éléments du caractère qui par leur nombre et leurs instables combinaisons échapperaient à l’analyse, mais le fond même de la personnalité, à base organique, supposé irréductible au-dessous de ses protéiques transformations. Pour M. Paulhan[1], la personnalité est un ensemble de tendances visant à des fins particulières, que dis-je ? une synthèse plus ou moins coordonnée de systèmes de tendances, ceux-ci pouvant former un nombre indéterminé de sous-personnalités, de personnalités passagères ou permanentes, agissant en mode successif ou simultané. M. Bergson[2] apporte une nouvelle conception de la personnalité, celle du moi superficiel et verbal et du moi profond et essentiel, le

  1. L’Activité mentale et les éléments de l’esprit.
  2. Essai sur les données immédiates de la conscience.