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j. soury. — la psychologie physiologique des protozoaires

ralistes à tendance anthropomorphique : « Balbiani, en effet, toujours en quête d’analogies avec les animaux supérieurs, nous a donné une description animée de ces mouvements (il s’agit de l’agitation due à la faim, non au rut, qui précède la conjugaison des Infusoires ciliés), à laquelle l’imagination poétique a contribué au moins autant que l’observation exacte et scientifique. Cette description a eu le plus grand succès auprès des philosophes et des psychologues qui s’en sont emparés[1], pensant retrouver là, chez ces microzoaires, les rudiments d’instincts et de facultés psychiques des êtres supérieurs. Comme il y a beaucoup d’inexactitudes et d’exagérations dans tout cela, il n’est que temps de calmer cet enthousiasme et de ramener les faits et leur interprétation à une mesure plus exacte[2]. »

Le fait est qu’il n’y a pas ombre, en ces phénomènes de conjugaison, d’instinct ni d’activité sexuels, et cela pour la raison qu’il n’y a encore ici ni mâle, ni femelle, ni hermaphrodite : la fécondation est un phénomène distinct et indépendant de la sexualité[3].

On sait que les Infusoires se multiplient par voie agame, au moyen de la division fissipare. Mais, comme l’a écrit Ed. van Beneden, « il semble que la faculté que possèdent les cellules de se multiplier par division soit limitée : il arrive un moment où elles ne sont plus capables de se diviser ultérieurement, à moins qu’elles ne subissent le phénomène du rajeunissement par le fait de la fécondation ». La théorie du rajeunissement a été présentée pour la première fois et simultanément par Bütschli et par Engelmann (1876) dans deux mémoires sur la conjugaison des Ciliés. Au point de vue morphologique, la conjugaison se réduit à un acte d’échange et de copulation de deux noyaux provenant de deux cellules distinctes, mais, nous le répétons, sans aucun caractère sexuel, sans génération, sans procréation, sans reproduction d’aucune sorte.

À suivre parallèlement les phénomènes morphologiques de la fécondation chez les Ciliés et chez les Métazoaires, on surprend l’homologie des processus, et le fait général qui se dégage de cette étude comparative a été formulé ainsi par Maupas : « La fécondation n’est pas un phénomène cellulaire, mais uniquement et essentiellement un phénomène d’évolution nucléaire. » « Le but suprême de la fécondation est la rénovation, la reconstitution d’un noyau de rajeunissement, formé par la copulation de deux noyaux fécondateurs d’origines distinctes,

  1. J. Binet, Revue philosophique, XXIV, 1881, et Études de psychologie expérimentale, p. 172 et suiv. Note de M. Maupas.
  2. Maupas, le Rajeunissement karyogamique chez les Ciliés (Arch. de zoologie expérimentale, 2e série, VII, 1889, 412-3).
  3. V. Maupas, l. l., p. 426, 453, 479.