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j. soury. — la psychologie physiologique des protozoaires

mécanique, un phénomène d’excitation par contact (Berührungsreiz), appartenant au stéréotropisme. Voici une expérience qui le prouve manifestement. Si l’on met en contact avec les pseudopodes d’un Actinosphaerium un corps indifférent, un poil ténu, par exemple, mais maintenu en mouvement en soufflant doucement dessus ou autrement, cette prétendue proie vivante sera saisie, attirée et introduite dans le cytoplasme au moyen des pseudopodes. Cesse-t-on d’imprimer ce mouvement à la substance inerte, elle est rejetée. L’excitation mécanique des pseudopodes au contact d’un corps en mouvement détermine donc seule la préhension et l’absorption des corps, qu’ils soient vivants ou inanimés, digestibles ou indigestibles. Ici encore il n’existe pas de choix conscient dans la préhension des aliments.

Chez les Infusoires ciliés, les deux modes de préhension suivant lesquels les aliments sont saisis et introduits dans l’appareil digestif se ramènent à deux types fonctionnels dérivés de l’organisation particulière de la bouche. Chez les Ciliés à tourbillon alimentaire, sédentaires, tels que Vorticellides, Paramécies, Colpodes, etc., non seulement les proies, mais toute espèce de corps, plus ou moins indigestes, sont indistinctement attirés vers l’orifice buccal par le tourbillon que produisent, dans l’eau ambiante, l’agitation et les battements des cils du péristome. Chez les Infusoires chasseurs, les proies sont saisies directement par des lèvres mobiles et preftantes et englouties par dilatation de la bouche. Eh bien, ces diverses formes d’aptation alimentaire dépendent uniquement du mode de préhension des aliments : les proies ne sont perçues ni attirées à distance ; l’Infusoire chasseur ne réussit à se les procurer qu’en multipliant, par un mouvement incessant, les chances de rencontre. « La Leucophre, écrit Maupas, comme tous les Ciliés, sans une seule exception connue, ne possède aucune faculté sensorielle lui permettant de voir à distance ses proies et de se diriger sur elles. » M. A. Binet, ayant cru trouver chez le Didinium nasutum un Cilié capable de percevoir ses proies à distance et sans contact direct[1], M. Maupas a déclaré un pareil fait « inexact », puisqu’il n’existe pas dans la science un seul indice d’une perception à distance chez les Ciliés. En outre, M. Binet avait attribué au même Protozoaire la faculté de choisir ses proies, et affirmé qu’il n’attaque jamais le Paramaecium bursaria : « Je ne sais, écrit Maupas, sur quelle autorité il s’appuie, car Balbiani affirme tout le contraire[2]. »

  1. Revue philosophique, XXIV, 1887, 484 et 583. Cf. A. Binet, Études de psychologie expérimentale, 1888, 166-7.
  2. Maupas, Recherches expérimentales sur la multiplication des Infusoires ciliés (Arch. de zoologie expérimentale, 1888, 239).