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toujours, et Pfeffer insiste souvent sur ce point de méthode, que d’établir des relations, de trouver l’expression mathématique des faits, non d’en découvrir la cause. Grâce à la connaissance de la grandeur de l’excitant et de l’intensité de la réaction, — celle-ci croissant seulement en proportion arithmétique, lorsque celle-là croît en proportion géométrique, si bien que la réaction (sensation) est proportionnelle au logarithme de l’excitation, — il est possible de comparer à celle de l’homme la sensibilité de ces organismes élémentaires. Quoique Engelmann ait trouvé dans les Bactéries des réactifs physiologiques assez puissants pour déceler la présence de la trillionième partie d’un milligramme d’oxygène, et que Pfeffer ait démontré que les filaments séminaux des Fougères et des Mousses réagissent à des solutions à un millième, la sensibilité spécifique de ces organismes resterait pourtant bien en arrière de la nôtre.

Pour que le seuil de l’excitation soit atteint chez les spermatozoïdes des Fougères, par exemple, qui nagent déjà dans une solution d’acide malique à un millième, laquelle suffit pour les attirer, il faut que ce stimulus spécifique, contenu dans les tubes de verre capillaires, soit trente fois plus concentré[1] ; s’il ne l’est que vingt fois, ils ne sont point attirés vers les tubes et n’y forment point d’amas ; enfin, si la solution d’acide malique est trop concentrée, le chimiotropisme positif devient négatif. Une solution à un millième de sucre de canne suffit également pour attirer les filaments séminaux des Mousses ; mais, pour qu’ils envahissent les tubes capillaires, ceux-ci doivent contenir une solution cinquante fois plus forte. Ces rapporis entre les filaments séminaux des Fougères et des Mousses et leurs excitants doivent exister, suivant Pfeffer, pour tous les stimuli chimiotactiques[2]. Dans le cas présent, ce mode d’excitabilité ne sert point à orienter les organismes vers des substances nutritives, mais vers des cellules ovulaires, lesquelles doivent contenir le stimulant spécifique au degré de concentration nécessaire pour attirer les spermatozoïdes. La substance chimique, en déterminant l’orientation de l’axe du corps de ces organites dans une certaine direction, amène la rencontre et la réunion des cellules sexuelles.

L’existence d’une attraction plus ou moins nette entre les cellules ovulaires et spermatiques des Fucacées avait déjà été observée par Thuret[3], qui s’exprimait ainsi : « Il est difficile, quand on observe ces phénomènes avec attention, de ne pas se laisser aller à croire

  1. Pfeffer, I, 379 ; II, 628.
  2. Pfeffer, I, 637.
  3. Thuret, Recherches sur la fécondation des Fucacées suivies d’observations sur les anthéridies des Algues. (Ann. des sc. natur., 1854, 4e sér., Bot., vol.  II, 210.)