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les lois découvertes par les savants n’ont de sens psychologique que grâce à l’observation interne, qui seule peut constater le fait psychique dont le phénomène physiologique soumis h l’expérience est le signe ou le substitut (p. 83). Non seulement l’introspection est nécessaire pour traduire la loi physiologique en termes psychiques, mais elle admet dans beaucoup de cas l’expérimentation, et permet de trouver directement la loi psychologique fondée essentiellement sur les qualités mentales des faits de conscience (p. 86). L’auteur montre, s’appuyant sur une définition approfondie de l’expérimentation, illustrée par l’exemple de Newton et soutenue par la grande autorité de Claude Bernard (p. 90), que la plupart des faits de conscience satisfont aux conditions de la méthode expérimentale. L’expérimentation psychologique ainsi légitimée trouve un champ illimité dans la mémoire d’abord, et aussi dans l’histoire, dans la littérature et dans la linguistique ; la psychologie comparée lui offre une matière abondante et des moyens supplémentaires de contrôle, de sorte que la science psychologique, multiple par ses procédés d’expérimentation, est une par son objet, que seule atteint l’introspection.

Une fois établie la possibilité de la psychologie comme science, il reste à en tracer le plan et à classer méthodiquement les faits qui en constituent l’objet (chap.  IV). L’auteur expose la doctrine des trois facultés, en la faisant précéder d’un aperçu historique qui montre que cette division de la psychologie est d’invention moderne (p. 101 ; il l’accompagne des arguments traditionnels, qu’il présente dans toute leur force (p. 104). Il critique ensuite cette classification comme empirique et dénuée de rigueur scientifique, et la doctrine des facultés comme entachée de substantialisme, car elle prétend expliquer scientifiquement les états de conscience en les attribuant aux facultés et en dernier ressort à l’âme, qui en est tout au plus la cause métaphysique. Pour obtenir une classification vraiment scientifique des faits conscients, il s’adresse à la physiologie, puisque la conscience correspond exactement aux modifications des centres supérieurs ; il distingue trois fonctions essentielles de ces centres, correspondant aux trois phases de tout processus nerveux, et retrouve ainsi la distinction classique des faits sensitifs, intellectuels et volontaires, justifiée cette fois par une loi scientifique qui lui confère, avec l’unité, une valeur universelle. Ces trois ordres de faits, qui ne sont que les trois faces de tout phénomène mental, se retrouvent dans tous les êtres conscients à tous les degrés de la vie psychique, en sorte que ce processus unique, où notre analyse, pour les nécessités de l’étude scientifique, discerne par abstraction la sensation, l’intellection et la volition, donne lieu à trois formes de conscience qui se succèdent en se superposant dans l’échelle animale et dans l’homme : l’acte réflexe, l’instinct, la volonté.

Ainsi la psychologie générale est la science centrale à laquelle doit se subordonner la psychologie comparée ; elle trouve son achèvement et sa fin dans la psychologie humaine, qui enveloppe toutes les formes