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ANALYSES.a. hannequin. Étude de la psychologie.

physiologique est un mouvement, donc un fait essentiellement multiple et successif, privé d’unité et conséquemment d’existence réelle, tandis que le fait psychique est une synthèse durable, et non seulement il existe par soi, mais le mouvement même n’existe que dans cette synthèse (p. 39). En d’autres termes, on ne peut expliquer la conscience par aucune intégration d’éléments quantitatifs, car l’esprit seul peut intégrer la quantité. Cet argument métaphysique, qui semble inspiré par la profonde pensée d’un maître[1], éclaire et concentre tous les autres ; il leur donne une valeur et une portée toutes nouvelles. L’auteur fait ensuite ressortir, avec une vigueur et une précision remarquables, le caractère essentiellement original de la conscience ; la forme et la qualité des états de conscience, loin de s’expliquer par les lois physiologiques, peuvent seules i*endre compte de certaines coordinations de mouvements qui ont leur raison d’être dans les synthèses mentales (p. 116). Tous ces arguments sont d’ailleurs confirmés et illustrés d’une façon curieuse et inattendue par les découvertes de la physiologie (ex. : fonction vicariante de Wundt, p. 40).

Étant acquis que les faits psychiques ont une existence propre et indépendante, l’auteur se demande, dans le troisième chapitre, si l’on peut trouver une méthode scientifique pour les étudier ; car c’est à cette condition que la science psychologique sera possible. On ne peut observer les états de conscience que par la conscience ; or, on a souvent contesté la valeur de l’introspection. L’auteur montre qu’il y a là un malentendu ; les arguments invoqués contre l’observation de conscience, exposés avec beaucoup d’ordre et de clarté, prouvent bien que l’introspection n’est pas une méthode d’analyse et d’explication, mais non qu’elle ne soit pas une méthode valable d’observation (pp. 53 sqq.). Toutefois, la psychologie n’est encore qu’une histoire naturelle si elle se borne à constater, à décrire et à classer les faits psychiques, et si elle ne parvient pas à les expliquer, et pour cela à les analyser. Deux méthodes ont été employées pour analyser le fait mental : 1o la méthode subjective, par l’école anglaise associationniste, dont les soi-disant analyses psychologiques ne sont pas des analyses scientifiques, car elles ne font que distinguer les faits sans les décomposer en leurs éléments ; 2o la méthode objective de l’école allemande, qui consiste à faire des expériences : pas d’analyse, en effet, donc pas d’explication scientifique d’un fait sans expérimentation.

Reste à savoir si l’expérimentation est possible en psychologie, et si la nature même du fait psychique ne le dérobe pas aux prises du psycho-physiologiste et du psycho-physicien. L’auteur n’a ni dissimulé ni atténué les difficultés et les objections que soulève cette question (p. 73). Mais, en admettant que cette méthode objective soit valable, il ne faut pas croire qu’elle rende inutile l’introspection ; au contraire,

  1. M. Lachelier, Psychologie et métaphysique, Revue philosophique, mai 1885 (t.  XIX), cité par l’auteur dans ses notices bibliographiques.