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de contact, etc., l’emportent sur l’action de la lumière. Mais, quand la cause qui le masquait disparaît, l’héliotropisme reparaît[1]. Ainsi, au cours de ses expériences sur les larves de Muscides, Loeb observa un cas où la lumière, la pesanteur, la chaleur demeuraient sans effet sur des mouches posées sur le bouchon de liège d’une éprouvette ; Loeb pensa qu’il se trouvait sans doute sur ce bouchon une substance qui attirait et retenait les mouches (chimiotropisme) : il mit ces animaux dans une autre éprouvette dont le bouchon était intact ; ils réagirent à la lumière.

Telle est au résumé, dans ses grandes lignes, l’œuvre singulièrement originale et forte de Jacques Loeb. La pensée maîtresse, d’une haute portée philosophique, c’est qu’il faut bannir de la science ces vues anthropomorphiques qui attribuent à de pures affections, à des sentiments et à des choix volontaires les différents modes suivant lesquels les animaux et les plantes réagissent à la lumière. Rien ne prouve que ces affections existent chez ces êtres vivants, et, en tout cas, de pareilles analogies n’expliquent rien, puisque les états affectifs correspondants de l’âme humaine n’ont pu encore être expliqués. Ce n’est pas en spéculant sur la nature de la pesanteur, mais en étudiant les mouvements d’un corps qui tombe et les oscillations du pendule, qu’on a découvert les lois de la chute des graves. De même, l’observation et la détermination expérimentale des mouvements des animaux sous l’influence de la lumière peuvent seules nous révéler les lois de l’héliotropisme, sans qu’il soit plus nécessaire de faire des hypothèses sur la cause occulte de ce phénomène.

Thermotropisme.

Comme la lumière, la chaleur influe à la fois sur les mouvements et sur la direction des mouvements des organismes unicellulaires. Ces mouvements se manifestent entre deux limites de température, variables avec les diverses formes d’organisme : l’une, inférieure, où la vie s’éteint ; l’autre, supérieure, où le protoplasma se coagule. Ainsi l’Amibe diffluente, dont la mobilité augmente avec l’élévation de la température, se contracte en boule à 35° centigr. et demeure à peu près sans mouvement : cette sorte de rigidité tétanique produite par la chaleur a reçu le nom de Wärmetetanus (Kühne) ; à 40° ou 45°,

  1. Sur cet antagonisme des divers tropismes, qui se masquent et se font échec, voyez Massant, Sensibilité et adaptation des organismes à la concentration des solutions salines. (Arch. de biologie publ. par Van Beneden, IX, 1889, 558.)