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j. soury. — la psychologie physiologique des protozoaires

ils capables de réagir aux excitations lumineuses proprement dites ? Max Verworn avait d’abord conclu que ce mode de sensibilité était, chez les Ciliés, ou très peu développé ou manquait tout à fait[1]. Peu après l’impression de son livre, il a découvert une forme de Ciliés sensible à la lumière ; il s’agit de Pleuronema chrysalis. Sensible déjà à la lumière du jour, il réagit surtout aux rayons les plus réfrangibles. Si, au lieu d’un verre bleu, on interpose un verre rouge, il n’y a plus de réaction : celle-ci n’est donc pas un effet thermique.

Un fait capital pour la psychologie physiologique semble résulter de ces expériences et observations. L’excitabilité à la lumière est généralement considérée comme une propriété fondamentale du protoplasma. Or un grand nombre d’organismes unicellulaires (Rhizopodes, Bactéries, Ciliés) ne manifestent point de réaction appréciable aux excitations lumineuses. Cette propriété de la matière vivante doit donc avoir été acquise au cours de l’évolution ; elle dérive d’une adaptation à certaines conditions de vie favorables à certains organismes ; elle est le fruit de la sélection naturelle. Les organismes chez lesquels la lumière, ou plutôt telle intensité lumineuse ou telle longueur d’ondes, favorisait les processus vitaux, ont dû réagir autrement que ceux chez lesquels ils étaient arrêtés ou abolis sous cette influence. Tandis que la lumière est, directement ou indirectement, la condition nécessaire de tout mouvement chez certains Protozoaires, chez d’autres, elle détermine sur les mouvements une action d’arrêt. Pour Strasburger, s’il y a des organismes photophiles, il y en a aussi de photophobes. S’il y a un héliotropisme positif, il y a aussi un héliotropisme négatif. Suivant l’intensité de la lumière, les Protozoaires seront ou « positifs » ou « négatifs » (ou même ne seront pas du tout phototactiques)[2] ; ils sont donc adaptés à un degré d’intensité lumineuse déterminé. De même pour la longueur d’ondes des rayons : la plupart des Protozoaires ne réagissent qu’à certaines couleurs, qui ne sont pas les mêmes pour tous, depuis les rayons ultra-rouges jusqu’au violet. La sensibilité à la lumière ne saurait donc être une propriété primordiale de tout protoplasma vivant.

Nous ne terminerons pas ce chapitre sur l’héliotropisme des organismes unicellulaires sans jeter un regard sur les principaux résul-

  1. « La lumière, dit Maupas, n’a aucune action sur l’accroissement et la multiplication des Ciliés. » (Arch. de zoologie expér., 1888, 254.)
  2. On verra qu’il en sera de même pour les excitations chimiques : certaines espèces de Protophytes et de Protozoaires ne seraient point chimiotactiques. Mais le nombre des organismes présentant ces caractères négatifs diminue à mesure que les observations elles expériences se multiplient.